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En attendant, mon intention est que vous ne devez rien négliger de ce que vous trouverez nécessaire et utile de faire pour la conservation de Sa Majesté Impériale, article qui m'importe trop pour que vous en dussiez épargner ni soins ni dépenses, et, comme vous avez encore en mains des sommes que vous savez, je vous en laisse le maître absolu et vous donne plein-pouvoir de vous en servir comme vous le trouverez bon pour soutenir le règne de l'Impératrice, et pour éloigner d'elle des ministres dont il y a tant de preuves de leur infidélité, dussiez-vous jeter même quelque somme par-ci par-là par les fenêtres. Vous n'avez jamais à craindre que je vous fasse rendre compte de quelle manière cet argent a été employé par vous, votre probité et fidélité m'étant des garants assez forts que vous n'en dépenserez point hormis que quand il s'agit de mon intérêt et pour obtenir le but que je me suis proposé; mais je veux aussi que vous n'en soyez chiche ni fassiez une mauvaise épargne quand il se trouve l'occasion de le dépenser pour mes intérêts, et je vous le répète encore que vous n'en serez point fait responsable, étant même résolu de vous envoyer d'avance une pleine décharge sur ces sommes que je vous ai confiées, en cas que vous la jugeriez nécessaire pour votre sûreté.

Pour ce qui est du vice-chancelier Bestushew, vous mettrez tout en oeuvre pour l'éloigner, en quoi vous ne devez ménager qui que ce soit que vous trouverez dans votre chemin, fût-ce même Woronzow. Je ne saurais vous cacher que je soupçonne fort que Woronzow n'ait plus les mêmes sentiments qu'il a témoignés autrefois d'avoir pour moi, et je crains même qu'il ne soit gagné par le parti opposé à moi ; je crois même qu'à ses insinuations l'Impératrice ait changé si soudainement sa résolution d'éloigner le Vice-Chancelier. Vous ne manquerez pas de m'en mander votre sentiment et de m'indiquer par quels moyens je pourrai le regagner ; mais, si cela n'est plus possible, il faut que vous tâchiez de venir à vos fins sans le ménager. Je compte beaucoup sur la princesse de Zerbst, pourvu qu'elle arrive assez à temps et avant que les ennemis de l'Impératrice aient porté coup sur elle. Si ladite Princesse arrive assez à temps, vous vous servirez d'elle pour faire parvenir à l'Impératrice les insinuations que vous trouverez nécessaires tant pour le salut de l'Impératrice que pour mes intérêts, et je suis persuadé qu'elle s'en acquittera fidèlement et qu'elle se dirigera par vos conseils.

Au reste, je crois qu'il sera nécessaire de réveiller un peu les sieurs Brummer et Lestocq, pour leur faire voir les suites funestes qu'ils auront à éprouver, si jamais le malheur voulait que l'Impératrice fût culbutée. C'est pourquoi je vous adresse le post-scriptum second, vous laissant la liberté de le leur lire selon tout son contenu, quand vous le jugerez