<191>par une effronterie inouïe, tronqua la réponse et dit au comte de Barck, ministre de Suède, que l'Impératrice souhaitait de conclure une alliance avec la Suède à laquelle on pourrait, cette campagne finie, inviter d'autres puissances à accéder. Ce ministre fomente, de plus, en Suède toutes les brouilleries dont il est capable, pour saper l'établissement du Prince-Successeur; il veut culbuter la maison de Holstein et le système présent, cela est clair. Il a employé toutes les ruses dont il a été capable pour soulever le clergé russe contre le mariage du jeune Grand-Duc avec la princesse de Zerbst, on s'est même servi du prétexte de religion, et l'on a insinué à l'Impératrice que la Russie ne pouvait être heureuse sous le règne d'une princesse qui, ayant changé de religion, ne serait jamais bien grecque; mais, comme le jeune Grand-Duc est dans le même cas, il n'a pas été difficile de détromper cette Princesse sur ce sujet. Bestushew a même eu l'impudence de se réjouir ouvertement de la maladie de la princesse de Zerbst et d'espérer sur sa mort. Lui et les Anglais n'ont d'autre ressource que dans une révolution favorable à la famille malheureuse.
Lorsque le roi de France déclara la guerre à l'Angleterre, Bestushew donna des alarmes à l'Impératrice, sous prétexte que le roi de Prusse voulait attaquer Danzig, et lui conseilla pour cette raison d'armer quelques vaisseaux de guerre et quelques galères, mais, dans le fond, dans l'intention de pouvoir prêter les secours stipulés à l'Angleterre, d'autant plus qu'il soutient hautement que le casus foederis existe et que l'Impératrice ne peut se dispenser de remplir ses engagements.
Par toutes ces circonstances, on s'aperçoit facilement combien le Roi est incertain par rapport à la Russie, tant que cette Souveraine se laisse entièrement aller aux impressions d'un ministre infidèle. Le Roi a fait ce qui a dépendu de lui pour se tirer cette épine du pied. On a fait une batterie pour déplacer le ministre, ou pour lui donner un supérieur dans son département, en cas que l'on ne pût remplir ce premier objet. Ce parti est assez bien lié, on a en main de quoi convaincre l'Impératrice des fourberies insignes de son ministre. Cette affaire serait déjà terminée à la satisfaction du Roi, si l'Impératrice ne s'était proposé de différer toutes les grâces et les changements qu'elle veut faire, jusqu'à la proclamation de la paix avec la Suède.
Le Vice-Chancelier, qui sent que ce jour-là lui doit donner un collègue pour remplacer le sieur de Brewern, et sentant bien que ce ne sera pas un sujet qui lui conviendrait, a tout mis en œuvre pour faire différer cette solennité. Jusqu'à présent, il a trouvé des prétextes assez plausibles pour y réussir. Il a même su profiter du bénéfice du temps, s'étant lié avec un archimandrite ou abbé de Troiza1 qui a trouvé le moyen de supplanter auprès de l'Impératrice ceux qui lui étaient les plus chers. Pour surcroît d'embarras, le sieur Tyrawley, ambassadeur d'Angleterre, est arrivé dans ces entrefaites, muni de 100,000 guinées argent
1 Troizkaia Serghiew im heutigen Gouvernement Moskau.