<283>j'avoue que je m'en trouve bien embarrassé, réfléchissant d'un côté sur la nécessité qu'il y a pour détacher le roi de Sardaigne de ses alliés, et, d'un autre côté, sur l'impossibilité que je vois de pouvoir jamais me mêler avec succès d'une pareille négociation, selon que le ministère de la France paraît le souhaiter, étant connu que jusqu'ici je n'ai rien eu à négocier avec la cour de Sardaigne et que je n'ai presque point de correspondance avec elle ; mais ce qui rendra cette négociation absolument sans succès, c'est que le roi de Sardaigne ne voudra jamais entrer avec moi dans une négociation d'une si grande importance, sans être préalablement assuré du consentement de la France, puisque il ne me croira jamais assez puissant d'obliger la France et l'Espagne à se tenir sur ce dont je serais convenu avec lui. Ainsi, pour vous dire franchement ce que je pense sur la proposition du comte de Maurepas, je la trouve telle qu'il faut absolument qu'on n'ait pas assez pensé sur les difficultés et incongruités qu'il y a lorsqu'on voudra la mettre en exécution. C'est pourquoi mon intention est que vous deviez vous concerter avec le sieur de Chambrier, pour esquiver, le plus honnêtement qu'il est possible, cette proposition, et convaincre ceux qui vous l'ont faite qu'avec toute la bonne volonté du monde, je ne saurais m'y prêter, puisqu'il n'y avait la moindre espérance de le faire avec quelque succès. Du reste, je suis étonné que vous êtes entré si avant sur cette proposition avec Maurepas, dont vous deviez connaître le peu de credit qu'il a à sa cour, et, pour vous dire la vérité, je n'ai point été édifié du ton de maître dont ledit comte vous a parlé sur cette affaire, paraissant me gracieuser extrêmement par la commission dont il veut m'honorer et pour laquelle il va m'instruire.
Quant au maréchal de Noailles, j'ai à vous dire que vous deviez garder des mesures par rapport aux plaintes que vous avez faites contre lui, sur le peu de vigueur qu'on a témoigné lorsque l'armée du prince Charles repassa le Rhin. Quoiqu'elles puissent avoir été fondées, je ne veux pourtant pas que vous poussiez trop un homme qui a la confiance de son maître, et qui d'ailleurs pense assez bien pour le système actuel. La faute est faite, elle n'est plus à redresser; c'est pourquoi, au lieu de vous opiniâtrer à l'en convaincre, vous tâcherez plutôt à vous le réconcilier, de gagner sa confiance et vous mettre en état par là de pousser à la roue, pour qu'on redresse ce qu'on a manqué de faire au passage du Rhin, par d'autres opérations vigoureuses. Sur ce etc.
Federic.
Nach der Ausfertigung.
1583. AU MARÉCHAL DE FRANCE DUC DE NOAILLES [A STRASBOURG].
Camp devant Prague, 16 septembre 1744.
Monsieur. Le sieur du Mesnil, qui est arrivé avant-hier ici, m'a bien remis les deux dépêches que vous m'avez faites en date du 1er de