<304>

1613. AU FELD - MARÉCHAL COMTE DE SCHMETTAU [A STUTTGART].

Camp de Konopischt, 20 octobre 1744.

Vos dépêches des 17, 24 et 25, et 28 du mois de septembre passé viennent de m'être rendues à la fois; sur lesquelles, je vous dirai que le sieur d'Aillon, ayant été averti à son arrivée à Berlin que le passage jusqu'à moi n'était pas tout-à-fait sûr, a pris la résolution de partir de là directement vers la Russie. A son arrivée à Moscou, il trouvera mon ministre instruit d'agir en tout sans réserve avec lui; je crains seulement que, s'il ne fait pas toute la diligence possible pour y être bientôt, l'Angleterre lui aura déjà coupé l'herbe sous les pieds. La conduite de la cour de Russie est déjà assez équivoque, par la grande autorité que le Grand-Chancelier a prise dans le maniement des affaires.

Bien que je ne doute pas que la prise de Prague n'ait fait bien du plaisir au roi de France, et que je n'ai fait en attendant de mon mieux pour pousser et rembarrer au possible l'ennemi, qu'à cette saison j'ai passé la Moldau à Tein et poussé jusqu'aux environs de Wodnian, pour obliger l'ennemi ou de se replier sur la Haute-Autriche ou de combattre, néanmoins l'indigne manœuvre des Saxons, qui font marcher 14,000 hommes d'infanterie et 6,000 hommes de cavalerie, avec un gros train d'artillerie, pour se joindre à l'armée du prince Charles, a produit une diversion assez considérable à mes desseins, parcequ'ayant été averti que les Saxons ont voulu marcher droit à Prague, j'ai été obligé de quitter mes desseins et de me rapprocher de cette ville, pour la couvrir; pour ne pas parler de la peine où j'ai été de faire subsister mon armée, parcequ'après que les Saxons se sont joints à l'ennemi, celui-ci a dispersé tous les hussards et pandours par le pays, pour empêcher que le plat pays ne fasse aucune livrance à mon armée à cette occasion.

Je ne puis pas vous cacher que l'on me mande en secret, sur le sujet de Grodno, que le traité de subsides qui vient d'être fait par Villiers entre le roi d'Angleterre et la cour de Pologne, ne s'était jamais fait du gré du comte de Brühl, qui s'en était défendu au possible, mais que la crainte de perdre sa fortune, outre le crédit de la Reine et les guinées d'Angleterre, avait prévalu; que le retardement de l'arrivée du ministre français en cette cour en avait été absolument la cause, et que, s'il était arrivé à Varsovie avant celui d'Angleterre, jamais ce traité n'aurait été fait.

Il ne faut pas parler de ce qui est fait, mais tâcher à remédier, à l'avenir, aux inconvénients. Il y a deux choses, que vous représenterez à Sa Majesté Très Chrétienne comme les plus pressantes à faire, c'est que:

1° L'armée de l'Empereur, tant pour cette campagne que pour la prochaine, soit mise en état de faire une solide diversion en ma faveur ; c'est-à-dire qu'elle soit pour cette année de 45,000 hommes, pour la prochaine de 60,000 hommes; et