<353>paratifs pour la construction d'un pont. Les ordres et les mesures étaient si bien pris que l'armée, étant une fois avertie, ne pouvait pas manquer de faire échouer les desseins de l'ennemi ; mais on sait que le chapitre des accidents est plus vaste à la guerre qu'en toute autre occasion.
Pendant mon séjour à Trnowa, je reçus des avis, par des lettres de Vienne interceptées, que les ennemis avaient un dessein de conséquence, qu'ils exécuteraient le 18 de novembre. Il était bien difficile de juger de ce dessein ; j'étais dans l'opinion que, vu les mesures que j'avais prises pour empêcher aux ennemis le passage de l'Elbe, et vu la saison avancée, ils ne tenteraient pas de l'entreprendre, mais j'avais reçu des nouvelles de Prague que l'on y faisait construire des échelles dans les environs, ce qui me faisait juger que le dessein des ennemis pouvait être plutôt de surprendre une ville dont l'enceinte était immense, que de tenter quelque chose sur une armée postée derrière une rivière, à portée de la soutenir. Ce raisonnement, qui paraît simple et naturel, m'induisit à jeter trois bataillons et cinq escadrons de dragons dans Prague, pour mettre la ville hors de toute insulte. Le 18 arrivé, je fus fort intrigué d'apprendre quels pouvaient être les mouvements de l'ennemi; j'eus beaucoup de faux avis, entre autres qu'un corps de leurs troupes marchait vers Kaurzim et Prague, et qu'un gros corps s'avançait vers Pardubitz. Ce même jour, le général Nassau m'écrivit que ses espions lui déposaient unanimement que l'ennemi avait dessein de l'attaquer à la pointe du jour. Le 19 arriva enfin, j'étais levé avant cinq heures et j'entendis un grand bruit de canon, mêlé à des charges très fortes de petites armes. Je supposais d'abord que ce serait quelque nouveau dessein que l'ennemi voulait exécuter sur Kolin; le prince Léopold me fit dire la même chose de Bohdanetz, et tout ce que j'en appris, se réduisit à ce que l'ennemi tentait quelque chose sur cette ville. J'étais d'autant moins embarrassé de cet événement que je connaissais la situation de Kolin, pour y avoir posté les troupes moi-même, et je n'attendais que des avis ultérieurs du général Nassau, pour faire faire à mes troupes la manœuvre qui aurait été la plus convenable en ce cas. Mon incertitude dura jusqu'à midi, qu'un officier vint me dire que les Autrichiens avaient passé l'Elbe avec toute leur armée auprès de Selmitz. On peut s'imaginer facilement dans quel état de surprise me jeta cette nouvelle; il n'était plus temps à songer d'empêcher une chose qui était déjà faite; il ne s'agissait plus que d'y apporter un remède prompt et efficace, ou qui, du moins, levât les inconvénients considérables qu'il y avait à craindre. Je fis, pour cet effet, rassembler, encore le même jour, l'armée entre Bohdanetz et Chlumetz; là, j'appris par le lieutenant-colonel Wedell, dont le bataillon avait été à Selmitz, que les hussards, n'ayant pas fait leurs patrouilles avec l'exactitude qui se devait, n'avaient pas averti d'abord ce lieutenant-colonel des mouvements des ennemis ni des pontons que la patrouille avait