<99>goureuses pour les intérêts de l'Empereur, j'ai mis pour conditions préalables, que la France devait opérer vigoureusement et que mes affaires devaient être faites avec la Russie et la Suède. Quant à la première, il est vrai que la France fait à présent toutes les démonstrations de vouloir agir offensivement et avec vigueur; je ne doute pas même qu'elle n'y aille tout de bon; mais jusqu'à présent nous n'en avons rien vu, et comme nous sommes sur le point de voir commencer les opérations, il faudra voir de quelle manière elles se développeront.
Touchant la Russie et la Suède, il est vrai que j'ai tout sujet d'espérer que mes affaires y prendront un bon train ; mais comme la dernière ne peut rien faire sans la Russie, et que plusieurs incidents ont empêché jusqu'à présent que mon alliance avec celle-ci n'a pas pu parvenir encore à sa maturité, pour ne pas parler de la nécessité qu'il y a d'éloigner auparavant le vice-chancelier Bestushew du maniement des affaires, puisqu'aussi longtemps que cet homme, vendu qu'il est au parti anglais et autrichien, sera en place, je ne viendrai jamais à bout, ni pourrai compter sur l'amitié de la Russie — toutes ces circonstances, dis-je, ont empêché que je n'ai pas pu achever mes affaires avec la Russie; ce qui me faut pourtant absolument, avant que je puisse entrer en jeu, tant pour n'avoir rien à craindre de ce côté-la, que pour pouvoir brider la Saxe par la Russie. Clairvoyant que je vous connais, Monsieur, vous savez que toutes les affaires qu'on précipite ne valent rien, et qu'il faut les laisser parvenir à un certain point de maturité, pour agir alors avec d'autant plus de liberté et de succès. Outre cela, je vous prie de considérer s'il est possible que je puisse entrer avec une armée dans un pays ennemi, sans avoir des magasins et sans en pouvoir faire, et s'il n'est donc pas de toute nécessité d'attendre le temps où on puisse fourrager et où l'on trouve les greniers remplis. Ainsi, bon gré mal gré que j'en aie, il me faut absolument attendre un temps où je puisse subsister, pour pousser alors mes opérations avec d'autant plus de vigueur et de force.
Tout cela ne peut point empêcher que les Français ne commencent à agir avec vigueur; au contraire, il sera d'autant plus nécessaire qu'ils ouvrent la campagne, pour voir ce que les Autrichiens feront alors en contre, et quelles mesures ceux-ci prendront; ce que je crois être en état de pouvoir vous dire d'avance, car, selon mon opinion, ou ils marcheront de bonne heure vers Fribourg, pour soutenir cette forteresse, ou ils marcheront vers Mayence, y passeront le Rhin et tâcheront d'entrer du côté de Luxembourg dans la France, pour obliger les Français par une pareille diversion de lever le siège de Fribourg, ce dont le temps nous éclaircira. La chose la plus principale que j'ai à vous re commander, pendant ces entrefaites, est que vous deviez tâcher de prendre un poste bien sûr auprès de Philipsbourg ; car, entre nous, il faut que je vous dise que, si j'étais du parti autrichien, mon jeu serait de vous aller, devant toute chose, sur le corps, de vous combattre et de