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ARTICLES QUI DONNENT LIEU AUX JUSTES APPRÉHENSIONS QUE LE ROI DOIT AVOIR DES DESSEINS PERNICIEUX DE LA REINE DE HONGRIE ET DU ROI D'ANGLETERRE. 1° Lorsque le traité de Breslau fut conclu, les Autrichiens, voyant que le roi de Prusse avait évacué la Bohême et que par conséquent il avait rompu avec ses alliés, lui extorquèrent Troppau et Jaegerndorf et lui firent céder encore une infinité d'endroits, situés au pied des montagnes de la Haute-Silesie.35-3 Cette cession en soi-même n'est qu'une filouterie qui marque de la mauvaise foi; mais le venin qu'elle cache est plus subtil, le but des Autrichiens étant de se ménager, par la possession des hautes montagnes de Silésie, de Troppau et | ARTICLES QUI DOIVENT RASSURER LE ROICONTRE LES DESSEINS DE LAREINE DE HONGRIE ET DU ROID'ANGLETERRE. [février 1744.]35-2 1° On peut objecter à ce premier article que chacun aime à perdre le moins qu'il peut, et que c'est la raison qui a fait escamoter aux Autrichiens tout ce qu'ils ont pu de leurs cessions aux Prussiens. Mais cela ne tranquillise point au sujet des hautes montagnes et des défilés. |
de Jægerndorf, un débouché en Silésie pour y pouvoir attaquer le roi de Prusse quand ils le trouveraient de' leur convenance. Je ne tire donc nulle autre conclusion de ce premier article que le dessein caché des Autrichiens, en faisant la paix, de recuperando. | |
2° Lorsqu'il s'agit de négocier en Russie la garantie du traité de Breslau, personne n'y suscita plus d'inconvénients que le sieur Villiers,36-1 ministre anglais, qui ayant corrompu les Bestushew, faisait naître par leur canal des incidents toujours nouveaux pour empêcher cette garantie. Que conclure de là, sinon que le ministère anglais, aussi double que l'autrichien, ayant conçu le dessein de rompre le traité de Breslau, évitait dès lors toutes les choses qui, dans la suite, auraient pu porter de l'empêchement à l'exécution de leur mauvaise volonté. | 2° On peut peut-être répondre que les Anglais croyaient qu'il était nécessaire de maintenir le roi de Prusse dans l'incertitude, pour se le conserver, et qu'ils ont cru de le tenir plus ferme lorsqu'il n'aurait d'autre garantie de la Silésie que la leur ; mais, cependant, il y a toujours de la mauvaise foi dans leur procédé. |
3° Au mois de janvier de l'année passée, la Prusse négociait à Londres pour aplanir toute sorte de griefs que les maisons de Prusse et d'Hanovre avaient l'une contre l'autre et auxquels le.....36-2 de leurs pays donnait lieu. Le lord Carteret amusa le sieur Andrié; le roi de Prusse n'en fut point la dupe, mais le sieur de Podewils le fut, qui écrivit une lettre au Roi dans laquelle il lui marquait que l'intérêt même de l'Hanovre était de voir aplanir ces querelles. L'effet a rendu témoignage à la justesse des conjectures du sieur de Podewils.36-4 | 3° On peut répondre que les inconvénients de cette négociation sont venus de la part du ministère d'Hanovre, cela paraît même fondé. Mais d'autant plus doit-on se méfier des desseins ambitieux de....,36-3 que l'on sent assez que ses vues vont sur le Mecklembourg, sur l'Osnabruck et sur le Hildesheim, ce qui est entièrement contraire à la politique prussienne. |
4° Au printemps de l'année 1743, le roi d'Angleterre voulut faire marcher ses troupes dans l'Empire; le roi de Prusse s'y opposa, le lord Carteret assura que l'on n'attenterait rien ni contre la dignité de l'Empereur ni qu'on ne le dépouillerait de ses États.37-1 La suite a fait voir la foi que l'on doit ajouter aux paroles du ministre anglais. | 4° Cet article est trop clair pour qu'on peut y trouver des couleurs pour le déguiser. |
5° L'intrigue du marquis de Botta en Russie37-2 pour culbuter l'Impératrice, à quel dessein se pouvait-elle tramer, si ce n'est pour remettre la princesse de Mecklembourg, ou son fils, sur le trône, qui, étant entièrement dévouée à Vienne, aurait en temps et lieu été utile pour abîmer le roi de Prusse? Quelle autre raison cette intrigue pouvait-elle avoir, et à quel autre usage l'Angleterre et l'Autriche auraient-elles voulu se servir de ce changement de gouvernement, si ce n'est pour mater par là le roi de Prusse? Je demande si tant d'intrigues et de cabales ne doivent pas énerver le traité de Breslau. | 5° L'on peut peut-être alléguer le parentage avec le prince de Brunswick, pour excuser la trahison de la cour de Vienne ; mais de quelque façon que l'on envisage, il est impossible de nier que le but des mauvaises volontés autrichiennes ne regardait le roi de Prusse ; car la reine de Hongrie n'est point en guerre contre le Turc; ainsi, elle ne peut se servir de la Russie qu'uniquement contre le roi de Prusse. |
6° Plus j'avance en matière, et plus les desseins de ces deux cours commencent à éclore. Le traité de Worms, fait avec le roi de Sardaigne, contient deux articles qui regardent clairement le roi de Prusse, savoir le 2 et le 13.37-3 Toutes les subtilités du fin Podewils ne déguisent point la vérité claire et manifeste, contenue dans ces deux articles, et il en résulte clairement que le roi de Sardaigne doit garantir les provinces qui sont | 6° On dit que le traité de Worms ne regarde que l'Italie,37-4 mais pourquoi y trouve-t-on deux articles qui regardent simplement l'Allemagne? Pourquoi la garantie du traité de Breslau n'y est-elle pas comprise, pourquoi y garantit-on de vieux traités qui y sont contraires? A cela, point de réponse. |
sousentendues dans les traités, que la Reine devait posséder selon la Pragmatique Sanction, et que le roi de Sardaigne doit garnir les places d'Italie pour que la reine de Hongrie en puisse tirer ses troupes, pour les employer, à temps et lieu, à reconquérir la Silésie. | |
7° Que signifie l'alliance que la reine de Hongrie vient de faire avec la Saxe, que signifient les liaisons que le roi de la Grande-Bretagne vient de faire avec le Danemark, si ce ne sont autant d'entraves que l'on veut mettre au roi de Prusse, pour jouer à jeu sûr en l'attaquant? | 7° L'alliance avec la Saxe ne signifie pas grande chose; les Autrichiens l'ont conclue par ostentation et les Saxons par faiblesse. L'alliance du Danemark n'est pas dans le même cas, et elle est assurément plus préjudiciable pour la Prusse que l'autre. |
8° L'on m'objectera, quant au roi d'Angleterre, qu'il n'oserait se déclarer contre le roi de Prusse, à cause de la garantie formelle que le parlement a donnée du traité de Breslau. Je réponds à cela que les garanties des temps modernes sont des châteaux de filagramme, et que d'ailleurs le parti de la cour a tant de supériorité que, par quelques subtilités de grammairien et des guinées, le roi d'Angleterre fera toujours consentir son parlement à tout ce qu'il voudra. | 8° Il y aurait peut-être quelque chose de mieux à dire; c'est que le voisinage fait que le roi d'Angleterre craint de commettre ses États, se brouillant avec le roi de Prusse. Ce qu'il ne craindrait plus, s'il assemblait un corps de Danois, Hessois etc., dans son pays, avec lesquels il n'agirait que lorsque le roi de Prusse serait suffisamment occupé d'un autre côté. |
9° On dit que, la paix générale faite, la reine de Hongrie seta épuisée, que ses finances se dérangeront davantage, qu'elle donnera dans la dépense, et que dans dix années elle ne sera pas en état d'agir. Voilà de ces on-dits admirables pour endormir des enfants, mais point pour en imposer à des personnes raisonnables. Voyons-nous que les finances de la reine de Hongrie aillent mal selon la situation dans laquelle elle se trouve ? Voyons- | 9° On devrait plutôt dire que les bonnes troupes du roi de Prusse, ses bons arrangements et ses forteresses, joints au coup qu'il a donné à la reine de Hongrie, devraient la faire penser plus d'une fois avant que de l'attaquer. Il n'y a que cela de bon à dire. Mais les Autrichiens sont chimériques, entêtés de leur grandeur, préoccupés de leur nombre, vains de leur fortune, et imbus de leurs alliances; avec de l'orgueil les gens s'éblouissent euxmêmes et font souvent des actions |
nous que ses pays soient épuisés de monde? Voyons-nous que ses ressources de la Hongrie tarissent? Que l'on me dise qu'elle tire de grandes ressources de la Bavière, qu'on me dise que ses pays se trouvent dans un état violent: j'y consens; mais, cependant, ses provinces sont des pays de ressource, et je ne crois pas qu'elle en soit, encore à la fin; et, quand même cela serait, — ce que je suppose à faux — l'argent de l'Angleterre et ces nouvelles alliances ne la mettraient-elles pas en état, si tous les ressorts étaient arrangés, d'attaquer le roi de Prusse, la paix faite? A cela, on39-2 fait une mauvaise comparaison de la Suède, à laquelle Frédéric - Guillaume, roi de Prusse, prit Stettin, et qui ne recommença pas la guerre pour s'en remettre en possession. A cela je réponds que la comparaison cloche, et que le roi de Suède était abîmé après la paix faite, et que la reine de Hongrie ne l'est point, et que la puissance de Suède ne doit entrer pour rien en comparaison avec la puissance de cette Reine orgueilleuse, qui se croit outragée, et qui est ferme et vindicative. On dit encore, et c'est pitoyable, que l'on n'a aucun exemple que la maison d'Autriche ait reconquis des pays qu'elle a perdus. Cela est faux, car elle a repris sur les Hongrois souvent des provinces qu'elle leur avait cédées. Mais quand même ce ne serait point, comment peuton conclure dans les choses casuelles et arbitraires du passé au futur? Si le sieur Bartenstein avait | qui ne sont pas raisonnables. Ils s'imagineront que le roi de Prusse sans alliances est trop faible pour s'opposer à eux avec leurs alliés; ainsi, que c'est le temps de l'attaquer pour reconquérir sur lui ce qu'ils ont perdu. Le sieur de Podewils est comme le comte Sinzendorff, ministre de feu l'Empereur, qui pariait à Vienne que les Français ne feraient pas la guerre, dans le temps même qu'ils avaient passé le Rhin et jetaient les premières bombes à Philipsbourg.39-1 |
dit à Vienne, l'année 1740: Il est faux que le roi de Prusse nous attaque, jamais aucun de ses ancêtres ne nous a fait la guerre, ainsi il ne nous la fera pas — je demande s'il eût eu raison? | |
10° Je ne fais qu'indiquer dans cet article les vues de la maison d'Autriche sur le trône impérial, sur la primatie dans l'Empire, et les desseins d'ambition du roi d'Angleterre, comme électeur d'Hanovre, pour s'agrandir, et j'ayoue que de tout ceci je ne conclus rien d'avantageux pour le roi de Prusse, s'il laisse faire leur volonté à ses ennemis, qui arrangent une pierre, une après l'autre, et qui avancent pied à pied pour le culbuter. | 10° Que serait-ce si, pour achever le tableau, la dignité impériale revenait au duc de Lorraine ? Alors le roi de Prusse aurait les trois quarts de l'Europe contre lui. |
Le cas exposé, s'en suit la question : que faut-il faire pour se précautionner contre ces dangers qui menacent le roi de Prusse?
Moyens. 1° Le moyen le plus sûr, et dont on est le maître, c'est d'avoir une forte et bonne armée sur pied, et les finances bien pourvues. | Risques. |
2° De faire une alliance avec la Suède et la Russie, défensive, et, si l'on peut, offensive. | 2° Si l'on venait à bout de détrôner l'impératrice de Russie, l'alliance de la Suède ne se réduirait pas à grande chose, et le successeur, en cas qu'il épouse une princesse de Prusse, serait assez aventuré avec sa femme. |
3° Faire une alliance conditionnelle avec la France, pour reprendre la Bohême sur la reine de Hongrie et la partager entre l'Empereur, la Prusse et même la Saxe, sans quoi la reine de Hongrie reste toujours trop puissante. | 3° Combien peut-on se fier à la France, vu la faiblesse de son ministère. Son intérêt est d'abaisser la maison d'Autriche, et elle le souhaite de tout son cœur. Il est vrai qu'en transportant la guerre en Bohême, par les Prussiens et les Impériaux, les frontières du Rhin se trouveraient plus libres ; que la France n'aurait pas besoin de faire de si grands efforts ; il est même |
vrai que la France doit préférer l'abaissement de la maison d'Autriche à sa vengeance contre le traité de Breslau. Mais, si la reine de Hongrie et le roi d'Angleterre offraient un établissement pour Don Philippe en Italie et la restitution de la Bavière à l'Empereur, la France ne sacrifierait-elle pas le roi de Prusse et l'Empereur pour s'attacher davantage l'Espagne, qu'elle a, le plus, raison de ménager, pour son commerce et par son voisinage? A savoir, si le roi de Prusse pourrait alors lui seul se tirer d'affaire avec la reine de Hongrie et le roi d'Angleterre? | |
Oui ; si la Suède attaque l'Hanovre, il sera assez puissant pour se défaire de la reine de Hongrie. | |
Mais si une révolution arrivait en Russie? | |
Il faut espérer que ce gouvernement se consolidera avant que le roi de Prusse commencera à agir. | |
4° Plus l'on attend, et plus les Autrichiens se renforceront et plus ils trouveront d'expédients pour rendre les entreprises des Prussiens difficiles, ou, pour mieux dire, impraticables ; c'est pourquoi il faudrait les attaquer encore l'année 1744. | 4° Cela est vrai ; mais que l'on considère, en revanche, les troupes nouvellement levées dont on ne peut encore tirer l'usage des vieilles troupes, la supériorité de l'argent anglais sur celui de tous les autres pays, et la faiblesse des Français. |
5° Les troupes prussiennes qui ont un an, valent à coup sûr autant que celles des ennemis. La bonne économie prussienne peut faire durer la guerre autant que les trésors anglais, principalement en pays ennemi; et, quant aux Français, ils entrent pour si peu de chose dans ce plan, qu'à proprement parler, on ne les y doit compter pour rien. | |
6° II faut examiner encore une chose: c'est qu'à présent les | |
Autrichiens sont effectivement en guerre ; que, si la Prusse les attaque, ils ne peuvent faire brusquement la paix, que cette campagne s'écoule, que la Prusse a de quoi faire trois campagnes: si elle emploie cet argent actuellement, elle mettra par là les Autrichiens bien bas. Et que, si l'on ne se sert pas actuellement de tous les avantages, le cas sera bien différent lorsque les Autrichiens attaqueront le roi de Prusse, la paix étant générale, ce dernier ne trouvant personne pour faire diversion à la reine de Hongrie, et n'ayant guère plus de ressources qu'il en a actuellement, ou plutôt moins, et les garants de son traité peu ou point disposés de le secourir. | L'on ne doit jamais hasarder le certain pour l'incertain. On tient la Silésie: si l'on recommence la guerre, on remet au hasard ce qui est déjà décidé. Sans compter que le chapitre des accidents est fort vaste, et que la fortune des armes est journalière. |
7° Je conviens que ce principe est vrai : qui sta bene, non se muove; mais il s'agit de distinguer une sécurité momentanée d'une sûreté réelle. J'ai assez fait sentir que la situation du roi de Prusse n'est qu'un état de suspens, que les projets sont formés contre lui, les batteries dressées, et que l'on n'attend que le moment d'être hors d'embarras, pour s'en prendre à lui. C'est justement ce moment qu'il faut prévenir. La guerre donc qu'il convient que le roi de Prusse fasse, est une guerre forcée, pour prévenir les mauvais desseins de ses ennemis. Je ne dis point de mauvais desseins cachés, mais authentiques, clairs, et qui sautent aux yeux. Si sa situation n'est pas des plus favorables pour attaquer, il doit savoir que, plus il attend, et plus elle deviendra mauvaise, et qu'ainsi de nécessité il faut faire vertu, et couronner l'œuvre de la Silésie en y ajoutant la solidité, et la sûreté à cette conquête. |
Eigenhändig.
<43>35-2 Reflexionen des Königs. Das Original trägt von der Hand des Grafen Podewils den Präsentationsvermerk 3. Juli 1744. ist aber offenbar, obgleich erst an diesem Tage den Ministern mitgetheilt, schon im Februar in Veranlassung ihrer Gutachten über den wormser Vertrag (vergl. die vorige Nummer) geschrieben worden. Vergl. Histoire de mon temps, Œuvres de Frédéric le Grand III, 34.
35-3 Vergl. Bd. II, S. 223—237.
36-1 Gemeint ist Wich. Vergl. Bd. II, 375. 405.
36-2 Lücke in der Vorlage, zu ergânzen durch voisinage. Eine Abschrift von Podewils ergänzt: la situation.
36-3 Lücke, scil.: celui-ci.
36-4 Vergl. Bd. II, 277. 278. 295. 301. 364. 365.
37-1 Vergl. Bd. II, 318 Anm. 2., 343 Anm. 1., 386. 391. 402.
37-2 Vergl. Bd. II, 406 ff.
37-3 Siehe oben S. 26 Anm. 3.
37-4 Der Haupteinwand der Minister.
39-1 Vergl. Histoire de mon temps, Œuvres II, 5.
39-2 Podewils in seinem Gutachten.