1361. AU MARÉCHAL COMTE DE SECKENDORFF59-1

Breslau, 18 mars 1744.

Monsieur. Je viens de recevoir la lettre que vous m'avez écrite de Meuselwitz en date du 4 de ce mois. Malgré la satisfaction que j'ai toujours lorsque je reçois des vôtres, je ne saurais vous cacher que celle-ci m'a donné bien des inquiétudes, par la nouvelle que vous me marquez du dessein que les Autrichiens ont pris d'attaquer les troupes de l'Empereur dans le cercle de Franconie, et dont je crains d'autant plus les suites que je ne connais que trop l'irrésolution et la lenteur extraordinaire avec laquelle on est accoutumé d'aller à la besogne, pendant votre absence de Francfort, pour obvier à un mal si pressant. Vous vous souviendrez qu'entre les propos dont je vous ai entretenu pendant votre séjour à Potsdam, la crainte que les troupes autrichiennes ne tombassent sur celles de l'Empereur avant l'ouverture de la campagne, était justement un des principaux, et que c'était pour cela que je vous ai conseillé d'assembler vos troupes, aussitôt qu'il serait possible, vers un lieu où elles seraient hors d'insulte. Voilà la même raison pourquoi j'ai tant souhaité que vos affaires eussent pu permettre que vous fussiez au plus tôt possible de retour à Francfort, tant pour obvier à tous les hasards dont vos troupes pourraient être exposées, que pour faire les arrangements nécessaires pour la campagne qu'on est à la veille d'ouvrir. Il est vrai que les mesures que vous avez prises pour retirer les troupes impériales de la Franconie, sont fort bonnes, mais je crains infiniment <60>pour l'exécution, pendant que vous n'y êtes pas. Il est hors de doute que, si la démarche en question se fait, la neutralité de l'Empire en sera fort blessée, mais vous savez aussi le peu de cas que la cour de Vienne fera de toutes les déclarations et protestations que mes ministres pouvaient faire là-dessus, si le mal était une fois fait, et que ce n'est point mon affaire d'employer jamais de pareilles armes. C'est pourquoi, Monsieur, je vous prie au nom de Dieu de ne perdre plus un moment de travailler sérieusement pour tirer les troupes impériales de toute insulte et de faire réussir les grandes affaires, selon les sentiments que je vous ai expliqués tant de bouche que par écrit. J'attends avec la dernière impatience votre réponse de Francfort et vous prie d'être assuré des sentiments d'estime avec lesquels je suis à jamais, Monsieur, votre très affectionné ami

Je suis fort surpris du long séjour que vous avez fait à Meuselwitz. Je crains que les affaires de l'Empereur n'en souffrent. Vous voyez, Monsieur, que ce que je vous ai dit à Potsdam de la nécessité d'assembler les troupes de l'Empereur avant que les Autrichiens puissent agir, n'était pas tout-à-fait sans fondement. Dans ces conjonctures, un échec pour l'Empereur serait un coup décisif pour les Autrichiens, ainsi, vous ne sauriez assez prendre de précautions pour mettre ces troupes dès à présent en sûreté, car il serait honteux que, dans les circonstances favorables où se trouve l'Empereur, un nouvel échec de Braunau60-1 renversât toutes ses apparences et dérangeât tous les desseins des bien intentionnés.

Federic.

Nach dem Concept. Der Zusatz nach Abschrift der Cabinetskanzlei.



59-1 Der Marschall traf am 20. März in Frankfurt a. M. ein.

60-1 Vergl. Bd. II, 371.