1396. AU MINISTRE D'ÉTAT BARON DE MARDEFELD A MOSCOU.

Potsdam, 18 avril 1744.

J'ai été au comble de ma joie lorsque j'ai vu, par la relation que vous m'avez faite en date du 26 du mois de mars passé, que l'état de la santé de la jeune princesse d'Anhalt-Zerbst s'est changé si sensiblement avantageusement qu'on la croit, grâce à Dieu, absolument hors de danger de la vie, et je n'ai nul lieu de douter à présent qu'elle ne se remette bientôt entièrement. Vous ne manquerez pas d'en féliciter, à la première occasion qui se présentera, en mon nom par des compliments convenables, tant Sa Majesté Impériale que la Princesse mère, de même que la jeune Princesse, en y ajoutant les protestations les plus positives de ma constante amitié et de mes attentions pour elles. L'Impératrice a raison d'être indignée de la joie que les ministres saxons ont fait paraître au sujet de la maladie de la Princesse, et je n'aurais point cru que ces gens-là n'auraient pas pu mieux cacher leur malin vouloir. En attendant, la colère que l'Impératrice en a témoignée, m'a fait plaisir, et je vous connais trop habile pour que je dusse douter que vous ne deviez tirer profit dudit mécontentement contre les ministres saxons. Au reste, j'ai été frappé lorsque j'ai vu par vos relations ordinaires l'extrême effronterie avec laquelle le Vice - Chancelier continue <96>de se jouer de l'Impératrice et de ses intérêts les plus essentiels, et il m'est impossible de croire que son indulgence pour de pareils tours de fripon puisse durer plus longtemps. Aussi serez-vous d'autant plus convaincu par là combien il est nécessaire que ce méchant homme soit éloigné et mis hors d'état de nuire tant à l'Impératrice qu'à mes intérêts. Je ne saurais pas assez vous recommander cet article avec celui du rappel de Keyserlingk, étant persuadé qu'après que vous en serez venu à bout, tous les autres points que je vous ai tant recommandés par mes dernières dépêches, ne souffriront guère plus de difficulté; j'attends ainsi mon sort de votre dextérité et savoir-faire.

P. S.

Comme on vient de m'informer que le ministre anglais à Berlin, le lord Hyndford, a reçu des ordres de sa cour par un courrier de demander audience de moi pour me faire des représentations de la part du Roi son maître sur la déclaration de guerre que la France venait de publier contre l'Angleterre, le tout enfin pour me requérir, en vertu du traité d'alliance de 1742, de vouloir donner mes ordres pour que le contingent auxiliaire, promis par ledit traité, fût prêt à marcher pour le secours et la défense du roi d'Angleterre et de ses États, je n'ai pas voulu tarder de vous en informer dès aussitôt et de vous dire en confidence, mais pour votre instruction seulement, que tout le précis de ma réponse audit milord Hyndford ne sera autre chose sinon que, comme l'Angleterre par l'envoi de ses flottes aux îles d'Hyères, par la bloquade du port de Toulon et par la bataille que l'amiral Matthews a donnée à la flotte française et espagnole, lorsque celle-ci sortait du port de Toulon, a commencé à agir offensivement contre la France, je ne pourrais pas réputer la guerre que l'Angleterre s'était attirée par là comme un cas de notre alliance.

Comme, au surplus, je suis informé que le lord Hyndford a dépêché incessamment hier à Moscou le courrier qu'il a reçu, sans doute pour porter les mêmes instructions au lord Tyrawley, ambassadeur à la cour de Russie, par rapport à l'alliance qui subsiste entre celle-ci et l'Angleterre, j'ai cru nécessaire de vous informer de cette circonstance, en vous ordonnant de veiller de bien près sur la proposition que le lord Tyrawley fera sur ce sujet à la cour de Russie, et sur les mouvements qu'il se donnera pour entraîner celle-ci dans son parti, mais surtout de faire en sorte, par vos amis, que l'Angleterre n'obtienne point quelques secours contre la France, et que la Russie reste plutôt tout-àfait neutre dans cette guerre que l'Angleterre s'est attirée de gaîté de cœur, par les fréquentes insultes qu'elle a faites à la France. Vous ne manquerez point d'être bien attentif sur cette affaire et de m'en faire vos rapports.

Federic.

Nach dem Concept.

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