1425. AU MARÉCHAL COMTE DE SECKENDORFF A PHILIPSBOURG.
Potsdam, 7 mai 1744
Monsieur. Je viens de recevoir vos deux lettres datées du 30 avril passé, avec celle du 2 de ce mois. La manière dont Sa Majesté Impériale s'est prêtée aux propositions qui lui ont été faites de ma part par le sieur de Klinggræffen, m'a fait bien du plaisir, et elle me fera justice, si elle veut être assurée que ce n'est que ses intérêts qui me mènent à faire ce que je me suis proposé de faire pour elle, et que sans cela il n'y aurait ni acquisitions ni qui que ce soit au monde qui me ferait sortir de l'assiette où je me trouve actuellement. Avec tout cela, je ne saurais trop souvent vous réitérer que, bon gré mal gré que j'en ai, je ne suis pas à même de faire le moindre pas, avant que mes affaires ne soient faites avec la Russie et la Suède, et comme il n'est guère possible que, par les distances des lieux, ces affaires, quand même elles aillent à souhait, puissent être terminées avant le mois d'août, je ne saurais rien promettre avant ce temps-là.
Ce que vous m'avez appris des opérations que la France s'est proposé de faire, m'a fait du plaisir. Il est vrai qu'elle nous annonce beaucoup de belles choses, mais il faudra voir à présent comment elle les exécutera. L'expérience du temps passé m'a rendu un peu circonspect sur de pareils articles, étant déjà accoutumé de voir des projets hardis et magnifiques, qu'on a après cela ou point exécutés, ou exécutés d'une manière si molle que le succès en est tombé dès son commencement. Il sera à voir si l'on exécutera mieux après le changement qui vient d'arriver avec le sieur d'Amelot, événement qui, à ce que je crois, fera toujours du bien aux affaires de l'Empereur. En attendant, mes opérations dépendront en bonne partie de celles que la France fera avant <124>que je fasse la levée du bouclier, puisqu'il est de toute nécessité que la France, par les opérations vigoureuses qu'elle fera, tâche d'éloigner autant qu'il est possible les troupes autrichiennes de la Bohême, afin que, lorsque je commencerai d'agir, j'aie le temps qu'il me faut pour me rendre maître de la ville de Prague, avant que l'armée autrichienne la puisse secourir; car, sans cela, vous conviendrez vous-même que tout mon dessein serait culbuté. H sera même nécessaire que nous nous concertions, d'une manière stable et solide, de ce que les troupes impériales et celles de la France feront alors, lorsque j'entrerai en Bohême ; car, si nous voulons finir bientôt, il faut qu'on aille alors de toute part à la besogne, pour ne pas laisser le temps à l'ennemi de se reconnaître ni de tomber avec des forces supérieures ou sur l'un ou sur l'autre.
J'ai trouvé excellent le plan du camp que vous avez pris auprès de Philipsbourg, et je suis persuadé que, pourvu que les ordres que vous donnerez soient bien exécutés, l'armée impériale n'aura point à craindre quelque insulte dans la position de son camp. Je trouve fort juste tout ce que vous me mandez des desseins que les Autrichiens puissent avoir en occupant le camp de Neckar-Ulm.
J'ai été charmé d'apprendre que Sa Majesté Impériale est contente sur le chapitre de la nécessité de faire subsister mes troupes en Bohême et des assurances que je lui ai données par rapport à Prague. Si je me suis expliqué d'avance sur tous ces sujets, mon intention n'a été autre que de tâcher d'écarter, avant le commencement de mes opérations, tout ce qui pouvait occasionner de la jalousie ou de mésintelligence entre l'Empereur et moi, n'ayant rien tant à cœur que de m'acquérir une confiance parfaite de la part de Sa. Majesté Impériale. Quoique j'espère que, si d'un accord commun nous poussions l'ennemi de toute part, lorsque mes opérations seront commencées, et que, si nos entreprises sont bénies d'un heureux succès, la guerre ne saurait guère durer longtemps, je crains néanmoins fort que nous ne pourrions pas finir par une seule campagne, puisqu'il est guère impossible que toutes les mesures qu'on prend s'exécutent de la manière qu'on les a projetées, soit faute qu'on n'exécute pas bien par-ci par-là ce qu'on a projeté, soit par des événements qu'on ne peut pas prévoir.
Quant au sieur Schlangen124-1 je me prêterai de bon cœur de donner les ordres au général de Marwitz que Sa Majesté Impériale désire à son sujet; j'en donnerai de même à mon résident à Danzig, le sieur Wagenfeldt; mais, si j'ose le dire, je crains fort que l'entreprise dudit sieur Schlangen n'aboutisse guère à grande chose, et que vous ne perdiez votre argent. Je connais trop ce que c'est que de pareilles levées en Pologne, et l'exemple de ce qui est arrivé aux Français lorsqu'ils ont voulu lever des uhlans en Pologne, est de trop fraîche date pour que je puisse bien espérer de l'offre dudit sieur Schlangen.
<125>Je suis avec des sentiments de considération et'd'estime, Monsieur, votre très affectionné ami
Federic.
Nach dem Concept.
124-1 Oberst in kaiserlichen Diensten, der sich erboten hatte, seine Beziehungen in seiner Heimath Polen zur Anwerbung von 400—500 Uhlanen auszunutzen.