1657. AU CONSEILLER ANDRIÉ A LONDRES.

Berlin, 19 décembre 1744.

La cour de Vienne vient de déclarer son intention d'attaquer mes États, et particulièrement la Silésie, par une patente adressée aux habitants de cette province, pour les exhorter à favoriser son entreprise et à se soustraire à ma domination.

Comme cette démarche me met en droit de réclamer l'effet de la garantie que la cour britannique m'a donnée pour la Silésie, j'ai résolu de faire cette démarche, et c'est ce qui fait le sujet de la lettre que vous trouverez à cachet volant à la suite de la présente. Vous aurez soin de la remettre où il appartient, d'en appuyer le contenu par les arguments que mes ordres précédents vous fournissent et d'insister modestement sur une réponse favorable. Je ne m'attends, à la vérité, pas à une réponse infiniment satisfaisante, mais quelle qu'elle soit, j'ai des raisons pour souhaiter d'en obtenir une.

Vous ferez bien d'ailleurs, quelques jours après avoir remis ma lettre, d'en faire lecture aux autres membres du conseil britannique, ainsi qu'aux principaux personnages des deux chambres du parlement, et si vous n'appréhendez d'irriter trop la cour, je consens que vous leur en donniez copie. Je ne serais même pas fâché qu'elle glissât dans le public par la voie d'impression, pourvu qu'il ne parût point que c'est vous qui l'avez fait imprimer.

Vous observerez au surplus, dans les représentations que vous ferez à ce sujet tant aux ministres qu'à des personnes distinguées parmi la nation, d'appuyer principalement sur les réflexions suivantes : que la Silésie, étant presque toute protestante, six septièmes des habitants étant de cette religion, qui s'y est beaucoup accrûe depuis que le pays est sous ma domination, il était de l'intérêt protestant d'empêcher que cette province ne retombât plus entre les mains d'une puissance catholique, laquelle, conformément aux principes de son église, ne manquerait certainement pas d'y opprimer et d'exterminer même la religion, ce qui entraînerait un préjudice notable à tout le parti et l'affaiblirait considérable<363>ment; qu'on devait se souvenir en Angleterre qu'au commencement de l'année, lorsque le royaume se crut menacé d'une invasion étrangère, je m'offris généreusement, à la première sommation du lord Hyndford, de fournir le triple du secours que je lui devais,363-1 et de me mettre moi-même à la tête, de sorte que dans la conjoncture présente, où j'allais être attaqué dans un pays solennellement garanti par la Grande-Bretagne, le moins que je pouvais attendre de sa reconnaissance, était qu'elle me préparât sans perte de temps l'assistance expressément stipulée par nos engagements, et qu'elle commencât d'abord par employer ses bons offices pour détourner la cour de Vienne de l'entreprise qu'elle méditait contre mes États; que, si la cour britannique me manquait en ce besoin, je ne pouvais m'empêcher d'en inférer qu'elle entendait se dégager entièrement des obligations du traité défensif de Westminster; que c'était un objet digne de l'attention de tout patriote anglais que de considérer quelles pernicieuses suites il en devait naturellement résulter pour la constitution du gouvernement de la Grande-Bretagne et en particulier pour la cause protestante, si les deux puissances qui en étaient les principaux appuis, unies d'ailleurs par une infinité de liens de sang et d'intérêt, et dont l'une au défaut de l'autre était appelée à la succession de la couronne britannique, venaient à se diviser d'une manière si étrange, dans une conjoncture aussi critique que la présente, qui selon toutes les apparences allait fixer pour longtemps le système d'une chacune.

Quant aux dettes sur la Silésie, au cas que l'on vous reproche comme un manquement à ma promesse le retard des paiements qui auraient dû se faire dans le courant de l'année, vous tâcherez de l'excuser, en alléguant les dépenses énormes que les conjonctures embrouillées d'à présent m'avaient obligé de faire, et qui ne m'avaient pas permis de satisfaire à mes engagements aussi ponctuellement que je l'aurais souhaité ; à quoi vous ajouterez les protestations les plus persuasives que je m'en acquitterai avec toute l'exactitude imaginable, aussitôt que la grande dépense que j'ai à soutenir dans la crise présente des affaires sera passée, et que la cour britannique se sera favorablement déclarée par rapport au remplissement de la garantie qu'elle m'avait promise pour la Silésie.

Federic.

H. Comte de Podewils. C. W. Borcke.

Nach der Ausfertigung.



363-1 Vergl. oben S. 104.