1672. AU CONSEILLER ANDREE A LONDRES.
Berlin, 29 décembre 1744.
J'ai reçu à la fois vos dépêches des 11, 15 et 18 de ce mois, et j'ai vu avec beaucoup de satisfaction par le post scriptum chiffré les dispositions favorables que le parti dominant dans le ministère britannique manifeste à mon égard. Comme je vous ai déjà amplement instruit dans les dépêches précédentes sur les insinuations que vous aurez à faire au lord Harrington et à ses amis, je ne doute point que vous n'en ayez fait un usage convenable et que vous ne continuiez de tirer du changement présent du ministère tout le parti possible pour avancer mes intérêts et pour faire goûter mes idées au nouveau ministère et à ceux de son parti, pour quel effet vous aurez soin de leur représenter que rien n'était plus facile que de rétablir les nœuds d'amitié et de la bonne et étroite intelligence entre la nation britannique et ma maison et de les rendre indissolubles; que ces nœuds étant aussi naturels qu'anciens, et fondés sur une réciprocité parfaite d'intérêts, jamais il n'y serait arrivé la moindre altération, si sous l'administration précédente des affaires britanniques la considération de l'intérêt des États d'Hanovre n'avait infiniment prévalu sur celle qu'exige l'intérêt de la nation anglaise, et qu'en conséquence de ce principe le lord Granville n'eût rendu infructueux tous les efforts que j'avais faits pour le rétablissement de la tranquillité en Allemagne, ayant marqué en toutes rencontres un acharnement outré contre l'Empereur et un dessein formé non seulement de le forcer à abdiquer le diadème impérial — n'ayant pas hésité de dire en termes formels que, quand on n'avait pas de quoi soutenir une dignité, il fallait l'ab<381>diquer — mais encore d'exterminer lui et sa maison du territoire de l'Empire et de la transporter à Naples; que le même ministre n'avait pas plus dissimulé ses mauvaises intentions à mon égard; que la manière hautaine et méprisante dont il en avait agi envers mon ministre durant les conférences de Hanau, les ressorts qu'il avait fait jouer tant en public que secrètement pour m'exclure tout-à-fait, contre la parole expresse du Roi son maître,381-1 des négociations pour la paix générale, et la disposition du traité de Worms, regardé et prôné par le lord Granville comme son chef d'œuvre et la base de la future pacification, sans compter une infinité d'autres particularités, étaient des preuves évidentes de la collusion de ce ministre avec la cour de Vienne, pour me frustrer de la Silésie malgré la garantie britannique, aussitôt qu'on aurait arrangé à sa façon les affaires de l'Allemagne ; que toutes ces manœuvres, me mettant, pour ainsi dire, le couteau sur la gorge, m'avaient déterminé contre mon inclination à prendre les résolutions présentes, et qu'à moins de regarder avec indolence les approches de ma propre ruine et de celle de l'Empereur, et de nous voir l'un et l'autre sacrifiés aux vues ambitieuses de la cour de Vienne, il m'avait été impossible de choisir un autre parti, quelque douloureux qu'il me fût de me trouver en opposition avec l'Angleterre; que cependant le juste mécontentement que la conduite du ministère britannique d'alors m'inspirait, n'avait pas à tel point affaibli mon amitié pour cette couronne et mon estime pour la nation anglaise, que je ne lui eusse sacrifié tout mon ressentiment, aussitôt que son gouvernement fut menacé du moindre danger, m'étant généreusement offert à la première sommation non seulement de faire marcher le contingent auxiliaire stipulé par nos traités, mais encore d'en fournir le triple et. de me mettre moi-même à la tête ;381-2 que mes sentiments à cet égard étaient constamment les mêmes, et que, pourvu que j'y puisse trouver ma propre sûreté et le maintien du chef suprême de l'Empire, je ne balancerais pas un moment de renouer les anciennes liaisons avec la Grande-Bretagne et de travailler de concert avec elle au rétablissement de la tranquillité générale, aussitôt que le ministère britannique voudrait s'ouvrir confidemment envers vous sut les moyens de parvenir à ce but salutaire, à l'égard desquels il ne se trouverait absolument aucun obstacle de ma part, d'autant que je n'y apportais point de vues intéressées, ni ne demandais autre chose que d'être maintenu dans mes possessions.
Cependant, afin que le ministère britannique n'attribue pas à ma faiblesse ou à l'impuissance de continuer la guerre les sentiments pacifiques que je vous ai chargé de lui marquer, vous aurez soin de lui faire entendre qu'on devait bien se garder d'ajouter trop de créance aux fanfaronnades ordinaires de la cour de Vienne sur les pertes que j'avais faites en Bohême; que l'événement en ferait voir la fausseté et <382>l'exagération, et que je comptais d'être à même d'ouvrir de bonne heure la campagne prochaine à la tête d'une armée de 120,000 combattants et de donner assez d'ouvrage à la cour de Vienne pour l'obliger à mettre de l'eau dans son vin, d'autant plus que je venais de recevoir de nouvelles assurances de celle de Russie de n'avoir absolument rien à craindre de sa part, de sorte que ce n'était par aucune appréhension ni découragement que je m'empressais de resserrer les anciens noeuds avec l'Angleterre et de m'entendre avec elle sur l'ouvrage de la pacification, mais uniquement par un désir sincère et ardent de ramener le calme dans l'Allemagne, pourvu que l'Empereur et moi nous y trouvassions une sûreté suffisante.
Federic.
H. Comte de Podewils.
Nach der Ausfertigung.
381-1 Vergl. Bd. II, 391. 402.
381-2 Vergl. oben S. 104.