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1810. AU MINISTRE D'ÉTAT COMTE DE PODEWILS A BERLIN.

Quartier général de Pomsdorf, 27 avril 1745.

Mon cher Podewils. J'ai reçu et les mauvaises nouvelles et les sinistres horoscopes que vous m'envoyez en même temps. Je ne puis rien vous répondre sur le sujet des nouvelles de Bavière;1 ce qui a dû se faire, est accompli à présent: ainsi, le seul parti qui me reste à prendre, est de porter mon mal en patience.

Quant à vos réflexions, je vous renvoie en parti à la dernière lettre que je vous ai écrite de Neisse, en y ajoutant cependant que la nouvelle se confirme de tous côtés que les Autrichiens retirent leurs troupes de mes frontières; et ce qu'il y a de certain est, que la guerre de leur côté ne prend point le tour d'une offensive. La seule chose qu'ils puissent faire pour m'attaquer, est de passer par la Haute-Lusace; car, autant que j'y vois jour, il leur sera impossible de m'entamer d'une autre façon. J'ai lieu d'espérer que ma négociation ne sera pas infructueuse en Angleterre, et que, si milord Harrington persiste dans les sentiments où il est jusqu'à présent, il est bien difficile que cette corde manque à mon arc. Mais en cas que toutes mes ressources, toutes mes négociations, et, en un mot, toutes les conjonctures se déclarent contre moi, j'aime mieux périr avec honneur que d'être perdu pour toute ma vie de gloire et de réputation. Je me suis fait un point d'honneur d'avoir contribué plus qu'aucun autre à l'agrandissement de ma maison; j'ai joué un rôle distingué parmi les têtes couronnées de l'Europe : ce sont autant d'engagements personnels que j'ai pris, et que je suis tout résolu de soutenir aux dépens de ma fortune et de ma vie. Vous pensez en fort honnête homme, et, si j'étais Podewils, je serais dans les mêmes sentiments;2 mais j'ai passé le Rubicon, et ou je veux soutenir ma puissance ou je veux que tout périsse et que jusqu'au nom prussien soit enseveli avec moi. Tranquillisez-vous cependant, et donnez-vous patience. Si l'ennemi entreprend quelque chose, nous le vaincrons à coup sûr, ou nous nous ferons tous massacrer pour le salut dé la patrie et pour la gloire de la maison. Mon parti est pris. Quoi que vous puissiez faire, il est inutile d'entreprendre de m'en dissuader ; quel capitaine de vaisseau est assez lâche, lorsqu'il se voit entouré de l'ennemi, et qu'il a fait tous les efforts pour se dégager, et ne voyant plus de secours, qu'il ne mette généreusement le feu aux poudres, pour priver ainsi l'ennemi dans son attente? Pensez que la reine de Hongrie, cette femme, n'a pas désespéré de son sort, lorsque ses ennemis étaient devant Vienne et que ses plus florissantes provinces étaient envahies par



1 Klinggräffen berichtet 19. April, dass der Friede zwischen den Höfen von München und Wien unmittelbar bevorstehe.

2 Podewils hatte am 24. April u. a. zur Erwägung gegeben : „Si j'ose le dire, avec un profond respect, Votre Majesté Se rendrait responsable à Elle-même et à toute Sa postérité, si Elle voulait mettre toute la fortune de Son État au hasard d'être renversée de fond en comble, sans pouvoir jamais s'en relever.“