2030. AU MINISTRE D'ÉTAT COMTE DE PODEWILS A BERLIN.
Camp de Schatzlar, 17 octobre 1745.
Mon cher Podewils. Je commence par le militaire. Nous sommes décampés hier de Trautenau. J'ai eu une bataille avec la colonne que j'ai menée, pour passer les défilés ; nous nous en sommes tirés à l'ordinaire, c'est-à-dire en braves gens et par la force; enfin, tout le mauvais est passé, l'armée ennemie est à Jaromircz, et, selon tout ce que j'apprends, Frenquiny et Trenck ont ordre de faire la chaîne aux frontières de Silésie, et l'armée, d'aller dans les quartiers d'hiver. Supposant, selon les nouvelles de Pollmann, que 12,000 Autrichiens soient depuis le 9 en marche pour la Bohême,1 ils ne peuvent y arriver qu'au commencement de décembre, et la saison des opérations est passée alors.
J'en viens à vos nouvelles. Celles de la négociation de Saul2 donneraient à garder, si l'on voulait s'en tenir aux simples apparences, et j'avoue qu'on s'y méprendrait, si l'on ne réfléchissait pas d'un autre côté que la convention d'Hanovre est signée du roi d'Angleterre, que c'est un acte public, que dans l'armée autrichienne on ne fait pas la petite bouche de dire que les Prussiens sont invincibles, et enfin que la conversation d'Asseburg et de Diemar3 me font juger que nos affaires vont bien. Nous ne pouvons voir clair dans les résolutions de la cour de Vienne que vers le 24 ou le 30 de ce mois. Ils ne peuvent encore faire une paix séparée avec la France, puisque les matières se trouvent trop compliquées par les affaires du commerce anglais, du Prétendant, de Flandre et d'Italie. Si nous troquons d'alliés avec les Autrichiens, et que nous gagnons l'Angleterre et la Hollande, vous m'avouerez que nous ne perdons pas au troc. Mais à juger en homme sensé, et par ce que nous apprenons de l'armée autrichienne, et par ce qui paraît par leurs manœuvres, je crois préférablement que la paix est avancée et qu'entre ce mois et celui de novembre elle sera conclue. Je crois, de plus, que ce détachement du général Grünne va en Italie, et que, selon la coutume des Autrichiens, ils lui supposent une double destination. Je puis me tromper, mais un acte signé du roi d'Angleterre m'est d'une grande assurance, et je crois ma sécurité bien fondée sur ce principe et sur celui de la réputation de mes armes.
J'ai fait de mon côté ce qui dépend humainement de moi, je remets le reste des événements à la Providence, et vous pouvez m'être témoin que je n'ai rien négligé ni rien à me reprocher.
1 Von der Rheinarmee.
2 Nach Mentzels Bericht aus Frankfurt a. M. 9. October hatte der dresdener Hof durch Saul dem französischen Vertreter in Frankfurt einen Separatvergleich mit dem wiener Hofe, auf Grund von Abtretungen in den Niederlanden proponirt. Näheres bei Droysen V, 2, 572. 573.
3 Danckelman berichtet, Hanau 9. October: „Je crus par les discours qu'ils [Asseburg et Diemar] me tinrent que la négociation où l'on s'attend est fort avancée, et le premier m'assure que la victoire de Staudenz l'achèvera, et que nous obtiendrons la paix de Breslau.“