1751. AU ROI DE FRANCE A VERSAILLES.
Berlin, 14 mars 1745.
Monsieur mon Frère. J'ai reçu la lettre de Votre Majesté, étant sur mon départ pour l'armée. Je suis fâché que mon prognostique ait trop bien rencontré, à l'égard du Saxon. Votre Majesté verra, et sera informée par le chevalier de Courten, que ce n'est certainement pas de ma part que vient l'opposition, mais ces gens sont vendus aux cours de Londres et de Vienne, ils sont avec cela les esclaves des Russes et si fortement engagés au parti des Autrichiens que je n'estime pas qu'il soit possible de les en détacher. Votre Majesté verra par la suite des négociations que j'accuse juste. Je souhaite que les négociations du sieur Aillon soient aussi heureuses à Pétersbourg que le désire Votre Majesté, mais c'est une cour où l'on n'avance guère, et dont les ministres peuvent changer de parti sans changer de conduite; ce qu'il y a de certain, c'est que l'Impératrice assemble aux frontières de la Pologne des forces considérables, que vers les confins de la Finlande il se forme un petit corps d'armée également. J'ai cru avec raison de pouvoir être au fait de tous les mouvements que ferait cette puissance, mais j'avoue, à ma confusion, que c'est encore en ce moment-ci un problème que je ne saurais résoudre. Les Anglais disent hautement que ces armements se font en leur faveur, et M. Pelham a même dit sans s'en cacher que les guinées anglaises feraient passer 30,000 Russes en Allemagne. Le sieur Korff, envoyé de Russie à Copenhague, a dit que leurs troupes passeraient, au printemps, au secours de la reine de Hongrie et de la Saxe. Le ministère de Pétersbourg tient une contenance plus mystérieuse, mais quelle que soit leur intention, cette démarche est très embarrassante pour ceux qui ont le malheur d'être leurs voisins.
J'apprends que M. de Maillebois est joint par M. de Lœwendahl. Votre Majesté ne croit-Elle pas qu'il soit de Ses intérêts qu'ils profitent sans perte de temps de leur supériorité? C'est au moins où il faut que les grands coups se frappent à présent; sinon, vos ennemis auront le temps de grossir et d'agir ensuite avec supériorité. Votre Majesté n'a pas d'autres moyens pour gagner la majorité dans le collége électoral et pour réprimer en même temps, la mauvaise volonté des Cercles, qui n'attendent que le moment pour se déclarer contre la France; en un mot, toutes les affaires d'Allemagne dépendent du nerf que l'armée du Rhin mettra dans ses opérations.
Je pars pour la Silésie, pour faire de mon mieux; je ne ferai point de pointes qui m'ont trop mal réussi pour que j'y retourne, mais, au temps où la saison des opérations sera venue, je ferai ce qui me sera possible pour nuire à l'ennemi. Que Votre Majesté daigne Se souvenir que la faute que l'on fit en Bavière, l'année 1741, était de ne point marcher droit à Vienne: c'est la seule opération décisive et qui nous mène à quelque chose. Je me flatte que Votre Majesté l'inculquera