1720. RÉPONSE QU'ON POURRAIT FAIRE SUR LES DIFFÉRENTS POINTS DU MÉMOIRE DE M. D'ARGENSON DU 29 DE JANVIER 1745.41-1

[10 février 1745.]

1° Que le Roi persiste dans la résolution de remplir ses engagements, autant que les conjonctures présentes et la situation de ses propres affaires, ayant la guerre à soutenir dans ses propres États, le voudront permettre.

2° Qu'il était très apparent que la cour de Vienne a conçu les desseins que le mémoire de M. d'Argenson lui suppose, sur la dignité impériale et celle de roi des Romains; il n'est pas moins certain que cette cour se flatte d'une pluralité de voix très considérable dans le collége électoral en sa faveur, et de faire même rendre l'activité à sa voix électorale de Bohême par la décision de la majorité des voix dans ce collége. NB. Il faut y ajouter la nouvelle que Pollmann nous mande touchant les mesures que rélecteur de Mayence prend déjà à ce sujet.

3° Qu'il serait à souhaiter plus que jamais de gagner les cours de Cologne et de Dresde; que le Roi a commencé déjà à faire faire à la première les insinuations convenables sur ce sujet, que Sa Majesté a fait sentir à l'Électeur de ce nom, combien il était nécessaire pour les intérêts de son neveu d'insister au moins qu'on laisse dormir la voix électorale de Bohême, tout comme on l'a fait à la dernière élection, puisque les mêmes raisons qui ont fait prendre cette résolution unanime à tout le collége électoral, subsistent toujours, et qu'on gagnerait tout par l'égalité des voix dans ce collége. Le Roi a fait prier de plus l'Électeur de vouloir bien aller de concert avec lui sur cet article-là, comme sur tout le reste, par rapport aux intérêts de l'électeur de Bavière son neveu.

Pour ce qui regarde la cour de Dresde, le Roi n'a négligé aucune occasion pour rectifier ses idées et pour lui faire même les insinuations les plus amiables, tant sur le passé que le présent et le futur, mais sans le moindre succès ou retour d'amitié jusqu'ici, puisqu'on se tient toujours dans une réserve à Dresde, à l'égard du Roi, qui approche de l'éloignement et de la défiance la plus marquée. L'un et l'autre pourtant n'ont point d'autre source que la haine de ce que le Roi a fait pendant la dernière campagne en faveur de l'Empereur et de la France, Sa Majesté n'ayant point d'autres démêlés avec la Saxe que ceux qui tirent leur origine de l'assistance qu'elle a accordée à la maison de Bavière. Le Roi est persuadé que plus il s'emploiera directement41-2 à ramener la Saxe, plus celle-ci se roidira, et on peut compter que moins Sa Majesté s'en mêlera, plus la France réussira dans la négociation qu'elle voudra entamer pour gagner le roi de Pologne; ou, pour bien faire, il faudra dans le commencement que Sa Majesté n'y paraisse point comme premier<42> mobile, mais que le ministre français insinuât simplement que la France se ferait fort de me faire acquiescer à tout ce de quoi ils pourraient convenir ensemble, afin qu'on n'en prenne pas occasion à Dresde à se défier de tout le reste, par les préventions outrées où l'on paraît être de la part de la cour de Saxe contre tout ce qui lui vient de celle-ci.42-1

4° Quant au prétexte dont Sa Majesté Très Chrétienne croit avoir besoin après la mort de l'Empereur, pour laisser plus longtemps ses armées en deçà du Haut- et du Bas-Rhin, il n'en peut y avoir jamais de plus légitime que l'assistance de ses alliés qui se trouvent actuellement attaqués dans leurs États. Tels sont les électeurs de Bavière et le Palatin. L'un et l'autre sont également maltraités en Bavière, dans le Haut-Palatinat, dans les pays de Sulzbach et de Neubourg, et dans le duché de Juliers. C'est donc pour délivrer les États de ces fidèles alliés de la France qu'elle est autorisée, tout comme du vivant de l'Empereur, d'employer les plus grandes forces dans l'Empire, sans qu'il soit nécessaire que le Roi par des lettres réquisitoriales réclame cette assistance, au moins pour le présent, pour ses États situés au delà du Weser, puisque jusqu'ici ils ne se trouvent point envahis ou molestés encore, et qu'une réquisition dans les formes pour faire avancer une armée française sur le Bas-Rhin pour la défense des États du Roi dans ces cantons-là, y pourrait peut-être occasionner l'entrée des troupes de la reine de Hongrie et de ses alliés et y transporter le théâtre de la guerre dans un temps où toutes les forces du Roi sont occupées à défendre ses États de Silésie; ce qui mettrait Sa Majesté et la France dans un nouvel embarras qu'il faudra tâcher d'éviter soigneusement, puisque dans le fond il ne servirait de rien dans le principal but qu'on se propose, tandis que les plus grands coups devraient être portés du côté de la Bavière et de l'Autriche.

5° Pour ce qui regarde l'idée contenue dans le mémoire de M. le marquis d'Argenson qu'il pourrait se faire que la proposition de retirer de l'Empire toutes les troupes étrangères de part et d'autre pendant la diète d'élection, conduisant à un armistice, pût être le moyen de parvenir ensuite à s'entendre et à terminer d'une manière ou d'autre les différends qui ont allumé la guerre, en remettant leur décision à la médiation et l'arbitrage de l'Empire et d'autres puissances impartiales, on a raison de dire que, si l'on pense à un objet de cette importance, il doit être ménagé avec une extrême prudence et dextérité, et le Roi croit qu'il n'y faudra consentir qu'à condition que la cour de Vienne retire ses troupes et celles de ses alliés de tous les États de la maison de Bavière et de ceux de ses alliés, et qu'elle s'engage sous la garantie des Puissances maritimes et celle d'autres cours respectables qui prennent à cœur le rétablissement de la paix en Allemagne, de ne point attaquer les susdits États et de se soumettre par rapport aux différends de la<43> succession de la maison d'Autriche à la médiation et à l'arbitrage de la diète de l'Empire et d'autres puissances impartiales.

Au reste, on a tort de reprocher au Roi d'avoir fait proposer de but en blanc des idées de pacification aux ministres de la république de Hollande. Cela n'a jamais été l'intention de Sa Majesté, et si elle a fait faire quelques insinuations générales en Hollande, pour donner occasion au parti pacifique de cette république de se fortifier de plus en plus, ce n'est que pour l'empêcher de donner tête baissée dans tous les vastes desseins de la cour de Vienne et de ses alliés, mais surtout pour retenir la République d'une déclaration de guerre contre la France, en lui laissant entrevoir une route plus sage et plus modérée pour parvenir à la paix; en quoi la conduite du Roi mérite plutôt d'être approuvée que blâmée.

6° Pour ce qui est, finalement, des opérations de la guerre et de la campagne prochaine, le Roi est prêt à s'éclaircir là-dessus avec M. le chevalier de Courten, mais Sa Majesté pense que le plan des opérations doit se régler principalement sur le succès des négociations aux cours de Dresde et de Cologne, puisqu'en gagnant ces deux cours-là ou en échouant auprès d'elles, il faudra prendre de toutes autres mesures, et mettre en attendant par de puissants et prompts secours l'électeur de Bavière assez en force pour se soutenir non seulement dans ses États, mais pour chasser aussi les ennemis de ceux qu'ils occupent et pour leur faire une puissante diversion en Autriche.

7° Le Roi serait charmé de pouvoir communiquer à Sa Majesté Très Chrétienne les avis qu'il pourrait recevoir de la façon de penser de la cour de Vienne sur la situation présente des affaires, mais comme on n'y a ni ami, ni correspondance, ni d'autre canal pour en retirer les moindres nouvelles sur lesquelles on puisse tabler, Sa Majesté se trouve hors d'état de satisfaire sur cet article aux désirs de Sa Majesté Très Chrétienne et à ses propres besoins et intérêts, qui demanderaient également d'avoir des notions sûres là-dessus. Cependant on peut compter que tout ce qui en parviendra à la connaissance du Roi, sera fidèlement communiqué à Sa Majesté Très Chrétienne. Cela est même si vrai que nous ne sommes informés qu'avec peine des endroits où les Autrichiens font des magasins, de la position de leurs troupes et de cent autres arrangements tris intéressants dans le moment présent et plus importants pour notre situation que ne le peuvent être les idées de la cour de Vienne sur la paix ou sur la guerre. Le moyen le plus sûr d'en être informé, serait, si le roi de France pouvait avoir à Vienne quelqu'un du ministère à sa dévotion, de même que cela s'est pratiqué du temps ae l'empereur Charles VI.

Tout le reste est très bien et vous43-1 pouvez délivrer un mémoire pareil au marquis de Valory, pour qu'il le communique à sa cour;<44>il nous tient la porte ouverte, et prépare finement les Français à tout événement.

Nach dem Entwurf von der Hand des Grafen Podewils. Zu Grunde liegen die dem Minister am 9. Februar in Potsdam von dem Könige persönlich ertheilten Weisungen (vergl. Nr. 1718). Die durch den Druck hervorgehobenen Stellen sind eigenhändige Correcturen oder Zusätze des Königs.



41-1 Vergl. S. 39.

41-2 Correctur des Königs für: que plus il voudra s'employer.

42-1 Sa Majesté.

43-1 Podewils.