1755. AU MINISTRE D'ÉTAT BARON DE MARDEFELD A SAINT-PÉTERSBOURG.

Breslau, 19 mars 1745.

J'ai reçu vos dépêches du 2 de ce mois. Quant à la médiation de la Russie, vous connaissez mes sentiments que je ne la refuserai point; je viens pourtant d'apprendre qu'on a destiné le comte de Keyserlingk d'aller à Francfort pour y rester de la part de l'Impératrice pendant l'élection future d'un empereur, et d'y travailler encore à la médiation. Vous conviendrez vous-même que, si la dernière circonstance était vraie, mes intérêts seraient alors dans de fort mauvaises<83> mains, et vous ne manquerez pas de faire en sorte qu'on choisisse pour travailler à la médiation des personnes en qui je pourrais avoir plus de confiance qu'en celui-ci.

Comme on vient de publier le traité de la quadruple alliance, conclue à Varsovie entre le roi d'Angleterre, la reine de Hongrie, le roi de Pologne et les États-Généraux, tel que vous le verrez dans la feuille ci-close,83-1 il ya les articles 4 et 8 qui me donnent à penser comme si peut-être le roi de Pologne s'est engagé par quelque article secret ou séparé d'agir offensivement contre moi, et qu'on lui ait promis de faire sa convenance à mes dépens. Ces soupçons s'augmentent d'autant plus par ce qu'on vient de me mander qu'on préparait actuellement un nouveau train d'artillerie à Dresde, qu'on faisait amasser un magasin assez considérable à Budissin, et que les troupes saxonnes qui sont dans le pays faisaient des mouvements pour se rapprocher insensiblement vers la Lusace. Mon intention est donc que vous en deviez parler aux ministres russiens d'une manière que vous croirez la plus convenable, en insistant que de la part de l'Impératrice on fasse les remontrances sérieuses qu'on m'a promis de faire au roi de Pologne pour ne point se commettre avec moi ni entrer dans des mesures dont l'exécution pourrait avoir des suites fort fatales et m'obliger à réclamer tout de bon l'assistance de l'Impératrice, selon la teneur de l'alliance qui subsiste entre nous. Voilà un point que je vous recommande extrêmement, avec celui sur la déclaration à faire de la part de l'Impératrice sur son secours que j'ai réclamé, lorsque les Autrichiens percèrent dans ma Silésie.

J'attends avec impatience vos éclaircissements ultérieurs sur la marche prétendue des troupes russiennes et sur leur véritable destination. Vous ne manquerez pas de remercier très poliment le comte de Bestushew de l'assurance qu'il vous a donnée de vouloir écrire à son frère d'aller de concert avec le comte de Beess, et qu'il en parlerait aussi à sa souveraine pour y donner d'autant plus de poids; que je m'en promets un fort bon effet, pourvu qu'il n'oublie pas de s'acquitter de sa promesse.

Vous savez combien j'ai toujours souhaité d'avoir le général comte de Lieven dans mon service. S'il y a moyen de l'y disposer d'une manière convenable, je lui donnerai volontiers, outre un régiment et les appointements ordinaires, une pension annuelle de 6,000 écus. On travaille actuellement au carrosse que je destine pour l'Impératrice, mais comme il faut du temps pour lui envoyer quelque chose de beau, on ne pourra l'achever que vers le temps Saint-Michel.

Federic.

Nach dem Concept.

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83-1 Siehe Wenck, Codex juris gentium II, 171.