1905. AU MINISTRE D'ÉTAT COMTE DE PODEWILS A BERLIN.

[Camp de Divetz], 8 juillet 1745.

Après avoir fait inutilement toutes les tentatives avant et après la bataille de Friedberg, pour parvenir à la paix, je n'ai rien à rien reprocher, et il ne me reste qu'à plier mes desseins aux conjonctures.

Je trouve donc à propos que vous fassiez incessamment expédier le rappel pour Andrié, et celui-ci doit écrire à ses amis à Londres, pour les indisposer contre la cour, que les mauvaises manières du roi d'Angleterre pour Andrié m'avaient forcé à cette démarche. Vous choisirez un homme sage et adroit, pour succéder à Andrié en qualité de secrétaire de légation, qui pourrait, en cas que l'Angleterre devînt flexible, nous rendre les mêmes services qu'Andrié. Vous jugez, l'on ne peut pas mieux, des ressorts cachés qui animent nos ennemis, et je suis persuadé que mon cher oncle est le boute-feu de cet infâme triumvirat qui respire notre ruine. Il faut donc primo presser l'article des subsides aussi vivement que le permet la bienséance, et nous mettre par cette ressource en état de soutenir la gageure.

Je sens toute la vérité de ce que vous dites au sujet de la conduite du prince de Conty, j'ai dit sur cela à Valory tout ce que l'on peut dire, je lui ai fait sentir qu'il n'y a sur ce sujet que deux partis pour la France, ou de s'arranger avec le Grand-Duc et de lui faire payer chèrement son élection, ou bien de s'y opposer si efficacement que l'on ait une sûreté morale de l'empêcher. Car le pire de tout ce qui pourrait arriver à la France et ses alliés, ce serait une élection faite malgré eux, et en forçant les troupes qui devaient l'empêcher, à se retirer des limites de l'Empire. Je n'ai sur ce sujet que des représentations à faire, et sur l'événement j'ai la conscience libre, ainsi j'attends tranquillement ce qui en arrivera.

Je puis, à présent que les négociations entamées à Londres sont entièrement rompues, promettre ma voix, conjointement avec les secours des Français, aux Saxons; j'en parlerai à Valory; l'article du roi Stanislas208-1 est plus scabreux, et je ne sais pas comment on pourra l'ajuster. Voilà cependant un dessein sur lequel je ne compte pas beaucoup. Les Saxons se sont trop liés les mains; Brühl est si fort vendu qu'il n'a pas l'articulation libre; le Roi trop bigot: en un mot, je ne vois dans tout ce projet aucune apparence de réussite; mais comme la politique demande que l'on tâte cette entreprise, je m'y prête, et il faut, comme je vous l'ai marqué par ma dépêche précédente, que cette négociation passe par le canal de Vaulgrenant, et je m'en rapporte à tout ce que je vous ai marqué alors. Je ne crains point les négociations des Autrichiens en France; le Roi est trop ferme pour m'abandonner, et nos intérêts sont trop étroitement liés pour qu'on puisse les séparer.<209> J'ai cependant averti Chambrier de tout, et de la façon dont il doit s'expliquer sur ce sujet.

J'espère que vous serez à présent convaincu que, si je n'avais pas commencé la guerre l'année passée, mes ennemis seraient venus fondre sur moi, et vous reconnaîtrez que ce que je vous ai toujours dit, n'est pas sans fondement, à savoir que les Anglais avaient dessein de nous tromper et qu'ils n'attendaient que le moment favorable pour me faire rendre par force ce que la reine de Hongrie a été obligé de me céder.

Nous gardons ici notre supériorité, soyez persuadé que les Autrichiens et les Saxons ne sont pas en état de se battre encore; si cela arrive, ce ne sera qu'à l'arrière - saison. Nous ferons notre devoir et courrons les hasards, puisque telle est notre destinée.

Pour vous marquer le contentement que j'ai de vos services, j'ai augmenté votre pension; continuez toujours de même, et je ferai dans les occasions pour vous ce que je pourrai selon mes petites facultés. Adieu.

Federic.

P. S.

J'ai oublié de vous dire que, comme toutes les portes pour un accommodement nous sont fermées, il convient de faire à nos ennemis tout le mal possible; il faut s'opposer hautement à la voix de Bohême et leur rompre en visière dans toutes les affaires de l'Empire ouvertement. Répondez à Asseburg209-1 que nous tiendrions ferme, et que, si notre patrie devait recevoir l'esclavage, ce ne serait qu'après que ses nouveaux tyrans nous auraient ensevelis sous ses ruines; il faudra relever toutes les violences de la reine de Hongrie dans l'Empire et en faire le plus de bruit qu'il se pourra.

Cataneo m'écrit que le roi de Sardaigne a embrassé la neutralité, je voudrais bien que cette nouvelle se confirmât.

Fr.

Nach dem eigenhändigen Concept.



208-1 An dessen Rückkehr auf den polnischen Thron man in Frankreich dachte.

209-1 Der hessische Minister, mit dem Podewils in regelmässigem Briefwechsel stand.