2002. AU MINISTRE D'ÉTAT COMTE DE PODEWILS A BERLIN.
Ce 1er d'octobre 1745.
Mon cher Podewils. La journée d'hier a été très chaude; c'est des quatre batailles que j'ai vues celle où il y a eu le plus d'acharnement. J'ai été, en quelque manière, surpris, mais c'est par la promptitude et la courte résolution que j'ai réparé cette faute, quoique ce ne fût pas la mienne, mais celle des hussards de Natzmer. J'étais debout à cinq heures, et nous voulions marcher vers Trautenau; tout d'un coup, on vient m'avertir que l'on voyait marcher une ligne sur notre aile droite; je n'en fis pas à deux, je fis prendre les armes, détendre les tentes, et je marchai d'abord par la droite; notre cavalerie n'attendit pas le reste des troupes, mais elle attaqua la cavalerie autrichienne et la culbuta dans une minute. L'aile gauche de l'infanterie autrichienne avait une très forte batterie, jamais nous n'avons essuyé pareille canonnade; on attaqua cette hauteur avec l'infanterie de notre droite, et nous l'emportâmes avec le canon. En attendant, je fis occuper un village qui était à la gauche, par les deux bataillons de Kalckstein, notre droite était victorieuse, mais il y avait deux bois et deux montagnes dont il fallait encore chasser les Autrichiens; ainsi, ç'ont été cinq batailles que nous avons livrées toute de suite à un ennemi à qui<292> le terrain permettait de se rallier. Le prince Albert, le pauvre général Blanckensee, le lieutenant-colonel Wedell ont été tués à l'attaque de la grande batterie, Blanckenburg et Buntsch sont morts aujourd'hui de leurs blessures. Notre aile gauche de cavalerie a fait aussi des merveilles, la cavalerie autrichienne s'est enfuie avant le choc, mais le lieutenantgénéral Rochow avec son régiment et Bornstedt ont pris tout le régiment de Damnitz, drapeaux et tout, prisonniers. Il m'est impossible de dire le nombre des prisonniers; à peu près 1,500 hommes et 30 officiers, 10 ou 12 drapeaux, 2 ou 3 étendards, et 10 canons, 6 obus. L'ennemi a été, à vue de pays, 32 à 34,000 hommes et nous 19,000, car ni du Moulin ni Lehwaldt ni le corps de Retzow ni celui de Winterfeldt n'y ont été. Rendons grâce à la Providence qui a si heureusement dirigé les choses pour nous. Tout mon bagage est pillé, par la bêtise d'un officier à qui je l'avais confié; c'est de cette façon qu'Eichel a été pris. Je vis des bonnes grâces de mes officiers. Les chiffres et lettres sont déchirées,292-1 mais à tout ce que vous m'écrirez, je ne pourrai répondre faute de clef. Ainsi écrivez-moi ordinairement, jusqu'à ce que Schumacher me rapporte un nouveau chiffre. Cette affaire a été plus sanglante que celle de Friedberg, nous y avons perdu à peu près 500 morts, et peut-être 1,500 blessés. Le perte de l'ennemi, tout compté, passe 6,000 hommes; les déserteurs, qui viennent en foule, parlent de 15,000 hommes, mais l'objet est grossi. Faites usage de ces nouvelles dans le public, et sonnez bien haut la chose. Voici dont l'énigme expliqué du discours du roi d'Angleterre au ministre d'Autriche : « Le roi de Prusse fera plus dans un jour que le prince Charles en six semaines. »292-2 Adieu, pensez un peu à ceux qui se battent tous les trois mois pour votre repos et tranquillité.
Federic.
Nach der Ausfertigung. Eigenhändig.
292-1 Vergl. oben S. 229 Anm. 4.
292-2 Ein Bericht Andriés, London 17. September, der am 26. September in Berlin, und unmittelbar vor der Schlacht im Hauptquartier eintraf, erzählt: „Hier, au grand cercle du Roi à Kensington, Sa Majesté demanda au sieur de Wasner quelles nouvelles il avait du prince Charles en Bohême et en Silésie. Ce ministre répondit que, par ses dispositions, le prince Charles comptait de diminuer dans peu l'armée de Votre Majesté, en la faisant harceler par de petits corps; sur quoi le Roi, hochant la tête et témoignant par là qu'il ne faisait pas grand fond sur cela, répliqua assez haut les paroles suivantes : Croyez-moi, le roi de Prusse fera plus en un jour que le prince Charles en six mois de temps.“