<148> quoique le roi d'Angleterre fût obligé de s'en défaire, il n'agit cependant jusqu'à ce temps-ci que suivant les idées et les conseils que celui-ci lui inspire; ainsi donc je n'aurais rien gagné, quand même j'aurais fait chasser le comte Brühl.
Vous dites que vous n'avez rien vu, dans le traité fait avec la Saxe, ni entendu parler de la Pologne, ni rien qui puisse m'intéresser; je le crois, mais je ne suis pas tout-à-fait persuadé qu'on vous ait montré tout le traité dans son entier, et j'ai de grands soupçons qu'il y a encore des articles séparés ou secrets qu'on n'a pas trouvé convenable de vous communiquer.
Quant aux propos que M. d'Argenson vous a tenus, touchant ma médiation pour le rétablissement de la paix générale, vous pouvez bien lui dire que je le priais de réfléchir pour quelques moments avec combien de sincérité et d'ouverture du cœur j'avais offert moi-même à la cour de France ma médiation, il y a six mois, lorsque la prospérité des armes de la France me mettait à même de lui faire avoir de fort bonnes conditions; mais que lui, M. d'Argenson, se souviendrait aussi combien on avait décliné ma proposition : à présent que les affaires de la France sont fort brouillées, pour ne pas dire gâtées, par ces fâcheuses négociations qu'on a entretenues avec la cour de Turin et la Hollande, il serait extrêmement difficile qu'on pût faire goûter aux Puissances maritimes, et encore moins à la cour de Vienne, ma médiation; et quel succès pourrait-on espérer d'une pareille négociation? Car de vouloir me charger d'une médiation armée, voilà ce que les conjonctures présentes ne me permettent point. Que d'ailleurs le marquis d'Argenson considère un peu, si j'ose lui parler de cœur ouvert, combien de cours en Allemagne, et même ailleurs, la France vient de perdre l'une après l'autre, qu'on lui a voulu concilier, uniquement par son épargne un peu trop hors de saison. La cour de Bavière en est encore un exemple tout récent, qui s'est vu obligée de faire un nouveau traité avec celle de Vienne,1 faute que la France n'a pas voulu se l'attacher moyennant des sommes fort médiocres; et sans parler d'autres encore, ne pourrais-je pas alléguer moi-même, que la France aurait eu, bien pour bien, plus longtemps, si elle m'avait voulu assister en quelque façon dans ma dernière guerre, et ne pas me conseiller, en termes exprès, à suivre ce que mon esprit et mon expérience me dictaient.2
Si le marquis d'Argenson croit ma situation pénible et douteuse pour la Silésie dans de certains événements, je n'en disconviens point, mais aussi ne c'est pas toujours le moyen le plus sûr de commencer une guerre pour éviter une autre. Outre cela, il est bien sûr que l'alliance que la cour de Vienne a conclue avec celle de Pétersbourg, ne me convient guère, et que j'aurais bien souhaité de la pouvoir empêcher; je suis encore persuadé que la conduite que la cour de Russie tient
1 Vergl. S. 137.
2 Vergl. Bd. IV, 389, Anm. 3.