<191> de Russie, dont je veux que vous le désabusiez pour le bien de mon service, et qu'il soit mis en état de détromper le public d'Angleterre sur les sentiments erronés que des mal intentionnés lui ont donnés. Je veux encore qu'il détrompe les Anglais de l'opinion où ils sont, que j'ai contribué en quelque chose à faire recevoir aux Saxons des subsides du roi de France, car le fait est faux et absolument controuvé. Je veux, de plus, savoir dudit Andrié à quels secours je pourrais m'attendre de l'Angleterre, en cas que la reine de Hongrie rompît avec moi; il est bon de prendre les devants sur une affaire que les relations de votre neveu semblent annoncer, quoique je n'y ajoute pas aveuglément foi, et que j'aie de bonnes raisons pour douter que la reine de Hongrie fasse un pas aussi hasardeux; je ne veux pourtant pas qu'on puisse me reprocher d'avoir négligé ce que la prudence semble exiger en pareil cas; et, pour tirer cette affaire au clair, il faut instruire Andrié en quoi la conduite de la reine de Hongrie me fait soupçonner sa mauvaise foi: les bruits effrontés qui courent à Vienne, sans que la cour prenne soin de les supprimer, le délai de l'envoi de M. de Bernes, les magasins que la cour a intention d'amasser soit en Moravie ou Bohême; et vu la lenteur infinie du lord Harrington, il est besoin de le presser et de tirer une assurance par écrit des secours que j'ai à attendre de la part des Anglais. Il faut, après tout, si l'Angleterre agit sincèrement, qu'elle s'explique catégoriquement sur ces points, qui sont pour moi de la dernière importance.
Je vous connais, et je suis persuadé que vous pensez que je prends l'alarme mal à propos, mais je crois qu'on ne peut être assez méfiant dans des occasions d'où dépend la grandeur, la conservation et le bonheur de tout l'État. Vous ferez chiffrer cette dépêche bien amplement, et vous l'enverrez le plus tôt possible à ma signature, munie de toutes les raisons qui peuvent la fortifier. Sur ce que je prie Dieu de vous avoir dans sa sainte garde.
Federic.
Nach der Ausfertigung. Eigenhändig.
2350. AU MINISTRE D'ÉTAT COMTE DE PODEWILS, ENVOYÉ EXTRAORDINAIRE, A VIENNE.
[Potsdam, 22 septembre 1746].
J'ai toute la peine à me persuader que la reine de Hongrie veuille rompre avec moi de but en blanc; elle romprait en même temps avec l'Angleterre, et la mémoire de nos avantages ne doit pas encore être effacée de son esprit. En attendant, je fais mes arrangements comme l'on voulait m'attaquer demain, et ils seront bien matineux ou ils ne me trouveront pas au dépourvu. Vous continuerez à approfondir la réalité des bruits qui vous parviennent, et vous examinerez soigneusement si ces bruits ne se répandent pas dans l'intention de vous faire prendre