Parmi toutes les nouvelles que vous m'avez marquées depuis quelque temps, il y en a qui font que je commence fort à soupçonner que la cour où vous êtes vous les ait fait insinuer tout exprès sous main, pour voir si vous me les manderez ainsi à la légère, ou pour vous faire faire quelque fausse démarche. Vous devez donc en être bien sur vos gardes et mettre tous vos soins à bien approfondir les choses que vous entendrez, pour en démêler le vrai du faux; aussi me marquerez-vous à la fin de chacune de vos nouvelles si c'est une confidence qu'on vous a fait ou seulement un bruit vague, et si vous croyez la nouvelle vraie ou vraisemblable, ou fausse et destituée de fondement.
Après le temps que vous avez séjourné à Vienne, je ne doute nullement que vous ne soyez présentement à même de pouvoir me faire des portraits bien naturels et bien exacts de tout ce qu'il y a de personnes considérables à Vienne, savoir de l'Empereur, de l'Impératrice-Reine, du comte d'Ulfeld, de Bartenstein et des autres ministres, de même que de Wœber et de pareilles gens qui, sans être du premier ordre, sont assez en crédit pour influer dans la direction des affaires. Vous ajouterez tout ce que vous savez d'ailleurs d'anecdotes et de circonstances qui peuvent mériter mon attention et qui me peuvent être intéressantes. Vous me ferez de tout cela une relation assez ample et détaillée, que vous m'enverrez bien chiffrée, afin que je puisse comparer tout cela avec ce que j'en ai appris jusqu'ici, et me faire par là une idée assez juste de la cour où vous êtes.1
Federic.
Nach dem Concept.
2436. AU SECRÉTAIRE WARENDORFF A SAINT-PÉTERSBOURG.
Potsdam, 28 novembre 1746.
J'ai reçu votre relation du 12 de ce mois. Je suis fâché de voir que le comte Woronzow ne peut gagner de terrain; il fait bien de temporiser, mais je crains que son antagoniste ne le prévienne, et ne lui laisse pas le temps pour frapper son coup. Les affaires de Suède vont jusqu'ici à souhait; il est sûr que les bien intentionnés ont une supériorité décidée tant dans le comité secret que dans les autres conférences publiques de la Diète. L'on est revenu des alarmes qu'on a eues sur quelque entreprise de la Russie, et, malgré les efforts que les factions anglaise et russienne ont faits pour se relever et pour remettre les sénateurs licenciés il y a à peu près quatre ans, toutes leurs tentatives ont été infructueuses. J'attends avec impatience votre rapport sur la manière dont la cour de Pétersbourg a envisagé le mariage résolu entre le Dauphin et la Princesse, fille du roi de Pologne. Tâchez à bien démêler si cet événement ne causera quelque refroidissement entre la cour où vous êtes et celle de Dresde, ou si l'on y est d'opinion que
1 Vergl. S. 91.