2198. AU CONSEILLER ANDRIÉ A LONDRES.
Potsdam, 19 avril 1746.
Comme tout le monde a été jusqu'à présent en attente sur le grand armement que la Russie a fait, en rassemblant toutes ses forces dans la Livonie, et que moi surtout ai eu bien des raisons d'y être attentif, je viens d'être informé, à n'en pouvoir presque pas douter, qu'on y médite de m'attaquer conjointement avec les cours de Vienne et de Dresde.
Il m'est revenu que le ministre autrichien à la cour de Pétersbourg, le général Pretlack, a fait entrevoir au sieur d'Aillon, ministre de France, que la paix était faite secrètement entre sa cour et celle de Versailles, à condition que l'impératrice-reine de Hongrie cèderait Tournai, Luxembourg etc. à la France, que celle-ci lui garantirait la possession de la Lombardie et promettait de ne point mettre d'empêchement à ce que cette Princesse recouvre la Silésie, et que, dès qu'elle aurait ainsi les mains libres, elle viendrait tout à la fois, avec les Russes et les Saxons, à m'attaquer en différents endroits.
On m'avertit d'ailleurs que le ministère d'Hanovre n'a pas peu de part dans ces complots; qu'il y a actuellement une négociation entre le ministre autrichien à Hanovre, le baron de Jaxtheim, et ceux d'Hanovre, et que les ordres qui passent du roi d'Angleterre par les mains du ministère d'Hanovre, sont bien différents de ceux qu'on fait expédier par celui de la Grande-Bretagne, et que même milord Hyndford, très honnête homme d'ailleurs, n'a pas instruit encore le ministre russien, le comte Bestushew, des ordres dont il a été muni du ministère anglais, d'appuyer mes intérêts — sans doute par quelque ordre secret qui lui est parvenu par la voie d'Hanovre
Mon intention est donc que vous deviez aller auprès de milord Harrington et demander à lui parler tout seul — et en tout cas en présence du duc de Newcastle — en lui disant de ma part confidemment que, par la confiance que j'avais toujours mise en sa personne et en sa droiture, je voudrais bien lui confier toutes ces nouvelles qui m'étaient parvenues; que pour la grande confiance que j'avais toujours eue en lui, je le priais de me dire sincèrement ce que j'aurais à attendre de la Grande-Bretagne en cas que le complot susdit vînt à se réaliser et que les Autrichiens vinssent à m'attaquer, conjointement avec les<63> Russes et les Saxons; et comme d'ailleurs j'étais presque obligé de croire que le ministère d'Hanovre était fort impliqué dans ces complotslà, je lui demandais si nonobstant de cela, et malgré le malin vouloir du roi d'Angleterre, que je savais n'être nullement porté pour moi, la nation anglaise remplirait les engagements pris par la garantie sur notre convention, en m'assistant, quand même le cas devrait arriver que le roi d'Angleterre fasse marcher de son chef ses troupes hanovriennes contre moi. Que j'espérais et souhaitais que tout l'orage susdit se dissiperait encore, mais que, dans des conjonctures si épineuses et brouillées, je devrais savoir au moins ce que j'avais à attendre de la nation britannique, afin que je puisse prendre à temps mes mesures et régler mes arrangements là-dessus.
Vous ne manquerez pas d'être bien attentif sur tout ce que Milord vous répondra là-dessus, et de m'en faire un rapport bien exact.
Au reste, comme le roi d'Angleterre a pris sur soi, par l'article 9 du traité de paix de Dresde, conclu entre moi et la reine de Hongrie, de joindre ses soins pour le faire garantir, entre autres, par tout l'Empire, je veux que vous deviez bien presser milord Harrington afin que cette promesse solennelle soit accomplie de la part du roi d'Angleterre.
Federic.
Nach dem Concept.