2204. AU CONSEILLER ANDRIÉ A LONDRES.

Potsdam, 24 avril 1746.

Ayant vu ce que vous m'avez mandé par les post-scriptums de vos relations du 8 et du 15 de ce mois, par rapport à la conférence que vous avez eue avec le lord Harrington, je veux bien vous dire là-dessus que vous devez dire à milord Harrington que j'étais toujours bien aise si je pouvais entrer dans tout ce qui peut être utile à l'Angleterre, et que je lui répétais ce que je lui avais dit si souvent, que, lorsqu'il ne s'agirait que de l'intérêt de l'Angleterre et des Puissances maritimes, je me ferais un plaisir de donner dans toutes les occasions les preuves de l'amitié et de l'attachement que j'avais pour leur intérêt; mais que milord Harrington comprendrait lui-même qu'il n'était question ni d'Angleterre ni de Hollande dans cette guerre-ci, mais simplement de quelque sacrifice plus ou moins fort que la France demandait à la reine de Hongrie, et que cette Princesse ne m'avait pas donné assez de marques de son amitié pour que je fisse des efforts pour lui conserver la Flandre et quelques autres provinces; que milord Harrington n'avait qu'à considérer que la paix de Dresde valait à la reine de Hongrie tout le Milanais, qu'elle venait de reprendre sur les Espagnols et sur les Français; que les avantages qu'elle retirait par là étaient, ce me semble, suffisants ; que quant à mes troupes, milord Harrington n'avait qu'à s'informer à Vienne, où on disait que mon armée était entièrement délabrée, et qu'une armée ainsi délabrée ne serait guère d'un grand secours; que j'avais fait la guerre presque de suite depuis l'année 1740, hiver et été, et qu'il fallait du repos aux troupes.

Que d'ailleurs nous regardions ici le jeune Edouard comme le Trenck de l'Écosse et comme un jeune homme audacieux qui s'était mis à la tête de quelques paysans montagnards du Nord avec qui il faisait quelques fois des incursions dans le plat pays.

Que la France offrait la neutralité pour l'Allemagne; que les conquêtes qu'elle pourrait faire en Flandre n'étaient que sur la reine de Hongrie, et que l'Angleterre avait tant de moyens pour renforcer l'armée en Flandre que je ne voyais point qu'elle eût besoin d'autre secours pour arrêter les progrès rapides des Français.

Que j'entrais volontiers dans les idées de l'Angleterre sur tout ce qui peut être utile pour le maintien de cette domination, pour la garantie des États d'Hanovre et pour les avantages du Roi; mais dans la situation où je me trouvais actuellement, la Russie faisant mine de vouloir attaquer mes propres États, je ne croirais point d'agir prudemment, si je m'engageais dans d'autres affaires; que d'ailleurs, si nous voulons examiner impartialement les intérêts des cours protestantes, l'histoire nous convaincra que la France soutint les Provinces Unies contre l'Espagne, et que la France a soutenu les libertés des princes protestants de l'Allemagne contre l'oppression et la tyrannie de la maison d'Au<70>triche, dans lesquelles le catholicisme outré de ses princes les voulait plonger.

Après cela, je vous charge de faire un compliment très obligeant de ma part à milord Harrington sur les bonnes dispositions qu'il me témoigne en toutes les occasions, et de le prier de dire au roi d'Angleterre que, si je souhaite de vider les petits différends qui depuis longtemps ont causé des transversations entre nos États d'Allemagne, ce n'est par aucune autre vue que pour écarter à jamais de notre chemin des bagatelles qui font naître des aigreurs entre de si proches parents, et qui peuvent faire tort aux grandes choses. Vous y glisserez encore quelques mots qui peuvent être agréables au roi d'Angleterre par rapport à ses intérêts d'Hanovre, et qui peuvent le faire changer des pensées qu'il a eues jusques ici sur mon sujet.

Vous ne manquerez pas de vous acquitter avec toute la dextérité possible de tout ce que je viens de vous ordonner, et de me faire un rapport bien exact et détaillé de ce qu'on vous dira là-dessus, afin que je puisse prendre mes mesures en conséquence.

Federic.

Nach Abschrift der Cabinetskanzlei.