2335. AU MINISTRE D'ÉTAT COMTE DE PODEWILS, ENVOYÉ EXTRAORDINAIRE, A VIENNE.
Potsdam, 12 septembre 1746.
J'ai reçu la relation que vous m'avez faite en date du 3 de ce mois. Bien que je sois tout-à-fait persuadé de la très mauvaise volonté de la cour de Vienne à mon égard, j'ai cependant de la peine à me persuader qu'elle soit déjà fort proche à mettre en exécution ce qu'elle médite là-dessus. Je fais peu d'attention sur ce que le public à Vienne parle sur ce sujet-là, et ce que Henckel en a dit ne doit guère vous embarrasser, puisque ce frénétique n'écoute que ce que sa rage lui dicte, et la furie qui le travaille ne lui laisse entrevoir les choses autrement que selon qu'il les souhaiterait qu'elles fussent. De quel côté que je regarde les affaires, il me semble que la cour de Vienne, malgré son envie extrême qu'elle a de me tomber sur le corps, sera fort en peine de le mettre en exécution; si l'Angleterre serre les cordons de la bourse, il n'est guère probable que, quand même les engagements de la Russie avec la cour de Vienne seraient offensifs, celle-là serait en état de fournir aux frais qu'une telle guerre coûte. D'ailleurs, la paix générale<182> n'est pas encore fort proche, mais en cas qu'on y parvienne, j'ai tout lieu de croire qu'elle ne se fera pas sans que je n'y sois inclus, et sans que les parties contractantes ne se chargent de la garantie de mes possessions; aussi l'Angleterre aura-t-elle également intérêt d'y faire entrer les autres puissances de concert avec elle. Si le cas arrive qu'on fasse quelque paix séparée, l'Angleterre ne voudra jamais alors permettre, et il ne serait nullement de son intérêt que la reine de Hongrie rallumât tout de nouveau un feu de guerre quelque autre part, et quand même alors cette Princesse voudrait faire la guerre toute seule et sans être aidée de l'Angleterre, on a lieu de croire qu'une pareille guerre ne ferait alors que le second tome de la campagne que fit feu l'Empereur son père, après que la paix d'Utrecht fut conclue contre son gré.
Tout cela ne doit cependant vous empêcher d'être fort attentif et d'avoir extrêmement l'œil au guet sur tout ce qui se trame et se fait là où vous êtes, et de m'en avertir avec toute l'exactitude possible. Au surplus, je vous réitère encore que vous ne deviez point plier devant l'arrogance des ministres autrichiens, mais je vous l'ordonne tout exprès que, lorsque ceux-ci sont fiers envers vous, vous deviez être encore plus fier envers eux; aussi suis-je persuadé que vous les verrez alors bientôt changer de ton. Du reste, j'approuve fort que dans les circonstances présentes vous ne touchiez rien de l'établissement du commerce avec la Silésie.
Federic.
N'oubliez point ce que je vous ai dit avant que de partir, et sachez qu'on doit accommoder l'air de son visage et le ton de son discours à l'espèce des gens à qui on a à faire. Forcade défunt envoyait un bas-officier en exécution auprès d'un bourgeois et lui dit : « Unterofficier, ist der Bürger ein Ochse, so seied Ihr auch ein Ochse; ist der Bürger höflich, so seied Ihr es auch. » Quod bene notandum. Telle est ma bonne volonté.
Nach dem Concept. Der Zusatz nach der eigenhändigen Aufzeichnung unter der chiffrirten Ausfertigung.