2340. AU MINISTRE D'ÉTAT COMTE DE PODEWILS, ENVOYÉ EXTRAORDINAIRE, A VIENNE.

Berlin, 16 septembre 1746.

J'ai bien reçu la relation que vous m'avez faite en date 7 de ce mois. Je n'ai presque pas douté que la réponse que je vous ai fait envoyer au mémoire de la cour de Vienne, touchant la garantie du traité de Dresde,185-1 aurait de quoi confondre un peu les ministres de Vienne, qui apparemment ont ignoré jusqu'à présent tout ce qui s'était passé sur ce sujet-là. Aussi ne vois-je aucune raison qui me dût obliger de me mêler d'une nouvelle garantie de l'Empire de la Pragmatique Sanction, après que non seulement feu l'empereur Charles VI a déchargé lui-même par une déclaration solennelle185-2 feu mon père des obligations qu'il avait contractées à cet égard, mais que ledit Empereur a rompu son traité de 1728 et que feu mon père s'est déclaré alors libre de tous ses engagements pris.

Le raisonnement que le comte d'Ulfeld vous a fait, qu'en votant contre la cour de Vienne on donnait aux autres États l'exemple de ce qu'ils avaient à faire, est des plus mal pensés et marque clairement que la cour de Vienne ne discontinue pas à regarder comme un crime, aussitôt qu'on ne veut pas plier aveuglément devant ses volontés. Vous répondrez donc à ce ministre que, selon que je le savais moi, il était libre à chacun des Électeurs de voter selon la manière qu'il envisageait le bien de sa patrie, et que par bonne conséquence j'espérais qu'on ne voudrait pas aller jusqu'à vouloir me priver de la prérogative commune à tous les États de l'Empire, de voter librement à la Diète. Les propos que le comte Ulfeld vous a tenus d'ailleurs par rapport aux mouvements que mon ministre à Dresde, Klinggræffen, doit s'être donnés, et touchant les démarches que mes autres ministres doivent avoir faites, ont été hors de propos et bien malséants; aussi veux-je que, si jamais ce ministre revient à murmurer entre ses dents de pareilles choses, vous devez lui dire entre haut et bas, comme de vousmême, que nous savions aussi les insinuations que leurs ministres aux cours étrangères faisaient à notre égard, et que nous n'ignorions pas les intelligences qu'ils entretenaient.

Quand les ministres continuent à vous parler sur l'affaire de Henckel, vous leur répondrez simplement que vous ne croyiez pas que je changerais de sentiment à cet égard, mais que je n'entrerais en aucune discussion là-dessus, avant que l'article important de la paix de Dresde concernant la garantie de l'Empire ne fût mis en exécution. Que d'ailleurs je ne voyais encore aucune bonne raison qui me dût obliger d'adopter les principes erronés qu'ils avaient à ce sujet, et que je ne pouvais point les reconnaître pour juges de ma conduite. L'avis qui vous est venu, que Henckel s'occupait avec le général Festetics à<186> faire des plans pour la reprise de la Silésie, ne m'embarrasse guère; je ne regarde le premier que comme un fou enrage qui ne sait ce qu'il fait, et on a tout lieu à présumer que, si la cour de Vienne était sérieusement mêlée de ces projets, il aurait été bien difficile que vous en eussiez eu connaissance, puisque, selon toutes les apparences, les ministres de Vienne n'agiraient pas si imprudemment que de se trahir eux-mêmes; au reste, la paix générale n'est pas si proche que l'on s'imagine. Au surplus, comme on connive à cet Henckel toutes ses fredaines, je suis presque tenté de croire que les ministres autrichiens se servent tout exprès de lui comme d'une marionnette, en le laissant faire à dessein tant de vacarme, pour vous en ombrager et pour nous induire à faire quelque faux-pas. Ce qui pourtant ne doit point du tout vous empêcher d'être bien sur vos garder et d'éplucher le fond des affaires, pour en pénétrer la vérité.

Federic.

Nach dem Concept.



185-1 Vergl. S. 166.

185-2 D. d. Wien, 7. August 1731.