2347. AU MINISTRE D'ÉTAT COMTE DE PODEWILS, ENVOYÉ EXTRAORDINAIRE, A VIENNE.
Potsdam, 20 septembre 1746.
La poste d'hier m'a bien apporté la relation que vous m'avez faite le 10 de ce mois. Vous faites fort bien de me mander naturellement tout ce que l'on fait et tout ce qu'on dit, là ou vous êtes, et je veux<189> que vous continuez toujours de même, jusqu'à me mander ce qui se dit en ville; mais il ne faudra jamais que cela fasse la moindre impression sur vous, ni que vous en fassiez apercevoir ni crainte ni timidité, puisque je commence de plus en plus d'être persuadé qu'on ne cherche qu'à vous donner de fausses alarmes par là, et que vous deviez peut-être m'en induire à faire quelque faux-pas, pour qu'on ait l'occasion à me faire des querelles et à réclamer l'assistance des cours alliées à la cour de Vienne. Sur quoi je saurais pourtant me tenir bien en garde, pour n'en être pas la dupe. J'espère que les Autrichiens auront à présent peu de consolation de leur traité d'alliance avec la cour de Russie, puisqu'on vient de me mander de Pétersbourg que le grand conseil qu'on y a assemblé plusieurs fois, ayant reconnu l'impossibilité de l'envoi d'un secours à la reine de Hongrie dans cette année, a résolu de faire retourner dans leurs anciens quartiers les troupes qui se trouvent dans la Livonie et sur les frontières de la Pologne, et qu'il ne restera dans ladite province que 10,000 hommes; ainsi que toutes ces démonstrations guerrières aboutiront à rien, et que par conséquent il n'y aura pas à craindre quelque guerre. Il m'est même venue de là la pensée que, s'il est vrai qu'on assemble les milices en Bohême et que les régiments qui sont en Hongrie doivent s'y rendre aussi, c'est plutôt par un mouvement de crainte qu'on y veut assembler ces troupes, que par quelque autre motif. Mais quelle qu'en puisse être la raison, je veux bien vous dire que je serais toujours fâché de rentrer en nouvelle guerre avec la reine de Hongrie, mais que s'il n'y avait plus moyen de l'éviter, je n'en serais pas beaucoup embarrassé, pourvu que je n'aie à faire qu'avec elle seule, ayant déjà su me dépêtrer d'elle dans le temps passé. Nonobstant tout cela, je suis toujours du sentiment que, quand même cette Princesse viendrait à bout de faire sa paix avec la France et l'Espagne, elle ne voudra jamais risquer de me faire la guerre contre le gré des Anglais.
Quant à la correspondance que, selon les avertissements qui vous sont venus, le nommé Henckel doit entretenir, je prendrai bien mes mesures pour la démêler, mais il s'en faut beaucoup que toute la Haute-Silésie lui soit attachée, et je puis bien vous faire le dénombrement de tous les adhérants qu'il y peut avoir, qui ne sont que le comte Dietrichstein, le comte Sobeck à Ujest et peut-être le fils de Henckel, avec le comte Oppersdorf; outre cela, trois ou quatre gentilshommes banqueroutiers; mais pour le gros de la Haute-Silésie, vous pouvez compter qu'il n'est nullement de son parti.
Comme j'enverrai en peu de temps un de mes sommeliers en Hongrie pour y faire quelque emplette de vins, je lui ai ordonné en même temps qu'à son retour il m'en doive amener une douzaine des ceps pour mon jardin ici, et j'espere qu'on les fera passer librement en faveur du passe-port que je vous ai ordonné de me procurer.
Federic.
<190>Mes lettres vous paraîtront comme les conversations de Sancho remplies de proverbes; celui d'aujourd'hui que je choisis pour mon texte est : Chien qui aboie, ne mord pas. Vout êtes accrédité auprès des Spatzaferos de l'Allemagne; est-il étrange qu'ils soient fanfarons? C'est leur métier.
Nach dem Concept. Der Zusatz nach der eigenhändigen Aufzeichnung unter der chiffrirten Ausfertigung.