2455. AU CONSEILLER BARON LE CHAMBRIER A PARIS.

Berlin, 13 décembre 1746.

Je viens de recevoir la relation que vous m'avez faite en date du 2 de ce mois, au sujet des discours que les ministres de France vous ont tenus relativement aux affaires de Suède et à la triple alliance qu'on souhaite de faire entre la France, la Suède et moi. Sur quoi, il faut que je vous dise que l'honnêteté du marquis de Valory m'a découvert tout le dessein du ministère de France, qui n'en est autre que de faire une alliance avec la Suède et moi pour en faire parade en Hollande et en Angleterre, et qu'il n'y s'agit pas autant de mon intérêt, comme les ministres de France ont pris à tâche de vous l'assurer, que de leur propre; je suis donc obligé à vous dire, quoique uniquement pour votre direction seule, et sans que vous deviez en faire transpirer quelque chose, que je n'ai aucune envie de me mêler présentement des affaires d'Allemagne; que, bien loin de là, j'aime mieux laisser agir la reine de Hongrie avec toute sa hauteur et sa fierté, pour qu'elle se commette davantage avec les autres princes d'Allemagne, qui, pour ne pas se laisser opprimer, ne manqueront pas d'avoir recours à moi. J'ajoute encore pour votre instruction seule que je suis bien aise de faire l'alliance avec la Suède, mais que dans le fond je ne la regarde pas autrement que comme une simple parade et ostentation; qu'en conséquence je serais obligé d'y renoncer, si la France continue à insister de vouloir être la partie principale contractante de cette alliance, puisque cela m'engagerait insensiblement plus loin que je n'ai intention d'aller. Voilà ce que je vous dis pour votre direction seule. Quant à la réponse que vous donnerez aux ministres de France, vous leur répéterez encore ce que je vous ai déjà dit par ma dépêche précédente, savoir, que malgré le cas infini que je faisais des sentiments de Sa Majesté Très Chrétienne et de l'amitié qu'elle me témoignait, dont je sentais tout le prix, il me serait bien difficile de faire l'alliance avec la Suède de la façon qu'on l'avait projetée; et quoique dans le fond elle fût très innocente, il fallait cependant, pour la mieux justifier, sauver encore toutes les apparences qui pourraient la faire paraître dubieuse et équivoque, en ne faisant qu'une simple alliance entre la Suède et moi, et en ménageant un article<263> qui laisse une porte ouverte aux accessions des puissances amies, et qu'alors la France pourrait accéder bien facilement. Qu'ainsi le fond serait toujours le même, mais que la différence n'était que dans la forme. D'ailleurs vous ferez observer au marquis d'Argenson que le sieur de Scheffer, ministre de Suède, jette souvent des propos en avant qui ne sont que ses idées particulières, et qui sont bien éloignées d'être celles de sa nation, et que je l'avertissais d'avance qu'il trouverait plus d'oppositions en Suède au projet d'une triple alliance qu'il ne se l'imaginait lui-même.

Vous insinuerez tout cela aux ministres de France dans les termes les plus polis, en l'accompagnant de tout ce que vous pourrez imaginer de plus obligeant, et m'en ferez votre rapport à son temps.

Federic.

Nach dem Concept.