2760. AU CONSEILLER BARON LE CHAMBRIER A BRUXELLES.
Neisse, 8 septembre 1747.
J'ai bien reçu votre relation du 28 d'août dernier. Il ne faut pas que vous vous étonniez qu'on sache donner au marquis de Puyzieulx des soupçons contre moi comme si je souhaitais de perpétuer la guerre; je vous en ai averti moi-même, lorsque je vous ai mandé, il n'y a pas bien longtemps, que les Autrichiens s'étaient fait un système contre moi dont le grand but était de remuer ciel et terre pour détacher la France de mes intérêts, surtout pendant que celle-ci n'avait pas lieu d'être bien contente de la guerre et qu'elle paraissait souhaiter la paix; que c'était surtout par l'entremise de la cour de Dresde que celle de Vienne pensait réussir dans ses vues, et que la susdite cour de Dresde n'en faisait pas la petite bouche, mais qu'elle se vantait à celle de Vienne de vouloir séparer la France d'avec moi. Mais ce qui me frappe le plus, c'est que le marquis de Puyzieulx puisse ajouter foi à des insinuations controuvées tout expressément pour me faire soupçonner de la France. C'est pourquoi vous tâcherez de trouver l'occasion, le plus tôt qu'il se pourra, pour lui dire à ce sujet d'une manière convenable et cordiale que, si lui, marquis de Puyzieulx, voulait bien y réfléchir un moment avec attention, il trouverait qu'il faudrait que je n'eusse nul égard à mes intérêts, si j'animais les ennemis de la France à ne pas finir encore si tôt la guerre; vous ajouterez à ceci toutes les bonnes raisons que, selon votre dernière dépêche, vous lui avez déjà alléguées, sans omettre celles que je vous ai fournies par mes dépêches précédentes, et vous continuerez, en outre, par dire que, pourvu que M. de Puyzieulx voulût bien y penser, il trouverait lui-même que tel prince qui malgré et en dépit des cours de Londres et de Vienne retenait l'Empire de se déclarer contre la France, et qui faisait tout son possible pour faire observer au premier une exacte neutralité avec la France, qui contre le gré et au grand déplaisir de la cour d'Angleterre s'était lié à celle de Suède, qui s'efforçait de détacher le Danemark de cette même Angleterre, qui venait de rappeler son ministre de Londres, et qui, enfin, ne cessait de faire faire des insinuations tendant à une prompte pacification en Hollande — qu'un tel prince, dis-je, ne pouvait être censé animer l'Angleterre pour la continuation de la guerre, ni qu'on voulût suivre ses prétendus conseils là-dessus; qu'outre cela, comme les intérêts de la France et les miens étaient les mêmes, qui naturellement doivent avoir pour leur objet principal l'abaissement de la maison d'Autriche, le marquis de Puyzieulx, selon sa grande pénétration, trouverait aisément qu'il était impossible que je puisse souhaiter que la France s'épuisât par une longue guerre, et que naturellement tous les maux qui pourraient arriver à la France rejaillissaient en partie sur moi; mais que, si je ne me déclarais pas ouvertement pour la France, c'étaient les circonstances présentes qui m'en empêchaient, étant obligé d'ailleurs de<475> respecter, dans un temps comme celui-ci, les forces et les ostentations russiennes.
Vous concluerez de tout ceci, en priant le marquis de Puyzieulx qu'il voulût bien, pour éclairé ministre qu'il était, ne pas donner croyance aux soupçons que la cour de Vienne lui faisait souffler contre moi par celle de Dresde et son parti, vu surtout que je l'avais fait avertir moimême par vous qu'il en arriverait ainsi et que la cour de Saxe se faisait une fête à celle de Vienne de pouvoir détacher la France de moi par toutes sortes d'intrigues, forgées d'une manière des plus artificieuses — que je m'attendais de l'amitié du marquis de Puyzieulx qu'il me déclarât sans réserve si la France était contente de moi ou non, et qu'au reste je ne saurais m'expliquer davantage que je ne l'avais fait.
Au surplus, vous redoublerez d'attention et vous veillerez sur tout ce qui pourrait se tramer là où vous êtes, pour être à même d'empêcher que l'on ne me joue pièce à la cour de France.
Federic.
Nach dem Concept.