2761. AU CONSEILLER BARON LE CHAMBRIER A BRUXELLES.

Neisse, 10 septembre 1747.

J'ai reçu votre dépêche du 1er de ce mois. Quant à l'homme de confiance dont le marquis de Puyzieulx vous a dit que le Prince-Stathouder m'avait envoyé, je dois vous dire que c'est le comte de Gronsfeld, qui, après mon départ pour la Silésie, ne fait que d'arriver à Berlin, et comme selon toutes les apparences il ne s'expliquera pas sur les commissions dont il est chargé avant que j'y sois de retour, il faudra voir alors de qui il sera question.

Au surplus, j'apprends avec chagrin que le marquis de Puyzieulx, nonobstant toutes les bonnes raisons que vous lui avez dites, et malgré que je me sois, pour ainsi dire, épuisé à lui faire comprendre combien il était controuvé et naturellement impossible que j'animasse, moi, l'Angleterre pour continuer à faire la guerre à la France, ne cesse de vous marquer ses injustes soupçons à cet égard. J'avoue qu'après tant de démonstrations que j'ai donnĕes jusqu'ici de mon amitié et de mon grand attachement pour les intérêts de la France, je n'aurais dû m'attendre à de pareils reproches, si odieux et choquants. Toutefois, comme je me suis expliqué au possible pour ôter ces soupçons de l'esprit dudit marquis de Puyzieulx, je n'y saurais rien ajouter; ainsi donc, vous lui direz que, si après toutes les explications que je lui avais données à ce sujet de la façon la plus cordiale, pour lui dessiller les yeux, il voulait continuer dans ses, soupçons, vous aviez ordre de ne pas vous en expliquer davantage.

Vous ajouterez encore que, pourvu que M. de Puyzieulx voudrait y penser, il trouverait lui-même que les points principaux sur lesquels roulait à présent le grand ouvrage de la paix à faire, regardaient la red<476>dition du Cap Breton et le négoce aux Indes, et que c'étaient là des affaires où je n'avais point d'influence; que d'ailleurs, n'ayant pas pu réussir jusqu'ici dans aucune affaire domestique que j'avais eue à négocier avec l'Angleterre, on en pourrait aisément conclure combien peu l'on y suivait mes conseils que je lui pourrais suppéditer sur des affaires d'une plus grande importance.

Sur ce qui regarde les insinuations que le marquis de Puyzieulx vous a faites que la France se pourrait voir obligée à devenir l'alliée de la reine de Hongrie, vous lui direz que j'étais bien éloigné de croire qu'il y eût aucun ministre en France qui pût oublier les vrais intérêts de la France jusqu'à ce point-là, mais que, si elle voulait absolument abandonner son meilleur ami et son plus fidèle allié, il n'y aurait sûrement pas de ma faute, et que je n'y pourrais rien changer; mais que je pouvais bien lui dire qu'aussi souvent que la cour de Vienne et ses alliés m'avaient fait des offres pour me déclarer contre la France, j'avais toujours répondu avec indignation que l'on ne me mènerait jamais jusqu'à faire une chose aussi ignominieuse que celle-là.

Au reste, comme je crois qu'il n'y aura guère plus d'affaires importantes à négocier avec le marquis de Puyzieulx pendant le peu de séjour que le Roi son maître fera dans les Pays-Bas, j'estime que le meilleur sera que vous feigniez quelque maladie et que vous vous congédiez là où vous êtes, pour retourner à Paris sur votre poste.

Federic.

Nach dem Concept.