2857. AU MINISTRE D'ÉTAT COMTE DE PODEWILS, ENVOYÉ EXTRAORDINAIRE, A VIENNE.
Potsdam, 6 décembre 1747.
Votre dépêche du 25 du mois dernier de novembre m'est bien parvenue. L'opinion où vous êtes que les Puissances maritimes et la cour de Vienne comptent absolument sur la marche des 30,000 Russes, est tout-à-fait fondée; aussi, selon mes dernières lettres de Russie, la négociation là-dessus y va encore son grand train. Il y a, à la vérité, des gens d'ailleurs assez sensés qui veulent douter encore que ladite marche ait jamais lieu, malgré tout le bruit qu'on en fait, et qui estiment qu'on ne fait que s'imposer l'un à l'autre par la négociation qu'il y a là-dessus; mais autant qu'il m'est possible d'en conjecturer, je suis toujours du sentiment que ladite marche se fera, quoique peut-être plus tard et avec plus de lenteur que les cours de Londres et de Vienne ne le voudront, et il se pourra aisément que ces troupes n'arrivent qu'au mois d'août de l'année qui vient aux lieux de leur destination. Et comme la Hollande aura à essuyer pendant cet intervalle de temps de furieux chocs, il n'est point à douter que les troupes russes seront obligées alors d'aller au secours de cette République et de marcher aux Pays-Bas, bon gré mal gré que la cour de Vienne en aura.
Sur ce qui regarde l'affaire du comte Schrattenbach au sujet de laquelle vous vous attendez que le nonce à Vienne vous en parlera, je veux bien vous dire d'avance que j'ignore effectivement si ce comte a des biens dans ma Haute-Silésie; mais en cas qu'il y soit possessionné, vous devez promettre hardiment au Nonce, lorsqu'il vous entretiendra de cette affaire, que je ne ferai nulle difficulté d'obliger ledit comte à satisfaire le siége de Rome sur les droits qu'il en a à prétendre.
<539>Au reste, je veux bien vous dire, quoique sous le sceau d'un secret absolu et avec défense expresse de n'en faire aucun usage sinon pour votre direction seule, que les avis que je reçois, de temps en temps, de la façon d'agir du général Bernes, sont des plus étranges : non content d'entretenir commerce avec tout ce qu'il y a de gens mécontents à Berlin et de prendre à tâche à révolter contre moi tous les ministres des cours étrangères, dès qu'il en arrive un à Berlin, je suis informé que les rapports qu'il fait à sa cour sont tous composés avec une aigreur et une indécence tout-à-fait extraordinaires sur mon sujet, que ces rapports, composés pour la plupart sur de fausses confidences et sur des avis entièrement frivoles, ne doivent buter que d'entretenir sa cour dans une méfiance et jalousie perpétuelles contre moi. Comme il sauve assez les apparences en dehors, et qu'il paraît d'ailleurs ajsez galant homme, je ne saurais attribuer tout ce manége qu'aux instructions qu'il a reçues secrètement des ministres de sa cour, pour nourrir constamment la mauvaise humeur de leur souveraine contre moi, et je conclus de là combien mal cette cour doit être disposée à mon égard et combien j'ai heu de m'en défier tout-à-fait.
Federic.
Nach dem Concept.