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3098. AU CONSEILLER BARON LE CHAMBRIER A PARIS.

Potsdam, 7 juin 1748.

J'ai reçu votre dépêche du 27 de mai dernier. Je ne m'étonne en aucune manière qu'une nation aussi changeante que la française fasse paraître à toute heure des sentiments différents et soit mécontente au moment présent d'une paix qu'elle désirait avec ardeur il y a fort peu de temps. Il n'est pas moins qu'avéré que l'Espagne accédera aux préliminaires de paix, quoique d'ailleurs il soit à croire qu'elle le fera de mauvaise grâce et forcée, pour ainsi dire; car la France s'étant engagée conjointement avec les Puissances maritimes par un article secret desdits préliminaires qu'elle tâcherait en tout cas d'obliger d'accéder aux préliminaires celle des puissances belligérantes qui refuserait de le faire de son gré, la partie serait sans doute trop forte contre l'Espagne pour que celle-ci dût continuer à refuser son accession aux préliminaires. La cour de Vienne, en attendant, est chagrinée au possible contre l'Angleterre et est même sur le point de se brouiller avec elle; du moins y a-t-il beaucoup d'aigreur de part et d'autre, selon que toutes les circonstances l'indiquent suffisamment.

Au reste, il n'est point à douter que, dès que la paix sera constatée, les Autrichiens ne fassent alors de leur mieux pour se rapatrier en quelque manière avec la France. Je veux bien vous avertir de ceci, pour que vous puissiez vous conduire en conséquence, en donnant toute votre attention à savoir ce qu'en ce cas les Autrichiens feront avec la France, et à quel point ils pourront s'entendre avec cette dernière.

Federic.

Nach dem Concept.


3099. AU MINISTRE D'ÉTAT COMTE DE PODEWILS, ENVOYÉ EXTRAORDINAIRE, A VIENNE.

Potsdam, 8 juin 1748.

Vous méritez mon approbation, quand, selon votre dépêche du 29 de mai dernier, vous vous méfiez des vues de la cour où vous êtes, et que vous y êtes attentif à tout ce qui s'y passe. Si toutefois vous n'aviez pas eu la cour de Vienne seule en vue, mais que vous vous fussiez proposé de considérer en même temps le grand tableau de l'Europe, vous eussiez trouvé en ce dernier cas que ces appréhensions que vous vous forgez sur le corps auxiliaire des troupes russiennes, sont autant de monstres que vous faites naître pour les combattre ensuite vous-même.

Je vous renvoie là-dessus au détail de ma précédente dépêche, en ajoutant ici que, m'étant revenu de fort bon lieu que les Puissances maritimes, après la rude marche d'hiver qu'elles avaient fait faire au corps auxiliaire russien, pour ne pas rebuter entièrement la cour de Russie, étaient convenues avec la reine de Hongrie de faire continuer auxdites troupes leur marche vers la Moravie et la Bohême, pour leur y