3310. AU CONSEILLER BARON LE CHAMBRIER A PARIS.
Potsdam, 26 octobre 1748.
Ce que vous me marquez, par votre dépêche du 14 de ce mois, de la persuasion dans laquelle paraît être le ministère de France que l'épuisement où se trouve l'Angleterre la retiendra tranquille, s'accorde parfaitement avec ce qui me revient d'Angleterre et d'autres endroits encore sur ce même sujet. Un excès de passion avait, pour ainsi dire, aveuglé les Anglais et les avait engagés à faire jusqu'à leurs derniers efforts en donnant de l'argent; présentement que cette passion se trouve un peu refroidie, et que leur enthousiasme vient à cesser assez pour les laisser libres d'examiner l'état actuel de leurs affaires, ils restent comme étonnés, en s'apercevant de l'épuisement dans lequel ils sont et de se voir ainsi énervés. Je suis, au reste, d'opinion qu'il saurait être assez indifférent à l'Angleterre quel parti prendra le fils du Prétendant sur l'endroit de sa demeure,1 car ne pouvant rien sans la France, cette dernière se trouvera toujours d'un jour à l'autre à portée de disposer du jeune Edouard, fût-il d'ailleurs au bout du monde, dès que la France voudra faire tant que de lui promettre son assistance. Ce qu'on en peut conclure, est que la France, empêchant les uns, avec qui elle est en alliance, de s'acquitter des engagements qu'ils ont avec elle, abandonne les autres, qu'elle s'imagine être d'ailleurs trop faibles, et c'est bien là la politique d'à présent de presque toutes les puissances de l'Europe.
Federic.
Nach dem Concept.
3311. AU MINISTRE D'ÉTAT COMTE DE FINCKENSTEIN A SAINT-PÉTERSBOURG.
Potsdam, 26 octobre 1748.
Je vous ferai rembourser les cent roubles que vous me marquez, par votre dépêche du 8 de ce mois, avoir avancé au capitaine de Stackelberg et j'aurai d'ailleurs soin de cet officier.2 Vous croyez que la. cour de Suède juge fort sainement en traitant de pure ostentation tout ce qui se fait de la part du Danemark. Je vous dirai cependant là-dessus que je tiens ces ostentations pour une affaire fort dangereuse; ce ne sont en effet que des démonstrations pendant un temps, mais je vous donne à penser si, dès que l'on se trouve avoir à faire à des furieux, elles ne pourraient pas très facilement dégénérer en réalités? Considérez qu'il ne serait point du tout difficile à la Russie d'attaquer la Suède d'un côté, et que le Danemark s'entendrait très facilement à l'entamer de l'autre côté, s'ils étaient assurés que la reine de Hongrie voulût me tenir en échec. Ce sont là des circonstances qui méritent d'être prises mûrement en considération, et qui demandent beaucoup de réflexion. En attendant, je recommande aux Suédois, autant que je puis,
d'avoir beaucoup de prudence et de prévoyance, et je tâche par là d'empêcher tout ce qui pourrait fournir un prétexte à colorer une nouvelle guerre. J'en agis ainsi à d'autant plus forte raison que les conjonctures d'à présent n'y seraient absolument point favorables pour la Suède. Vous en parlerez au ministre suédois de Höpken, pour que la Suède ne pousse pas trop en avant, mais qu'elle se contente pour le présent d'établir sa succession sur un pied solide, et que le reste se ferait toujours assez à temps.
Federic.
Nach dem Concept.
1 Vergl. S. 125.
2 Vergl. S. 229.