3402. AU CONSEILLER PRIVÉ DE GUERRE DE KLINGGRÆFFEN A LONDRES.
Berlin, 31 décembre 1748.
J'ai reçu la dépêche que vous m'avez faite du 20 de ce mois. Comme je viens de recevoir une relation très intéressante et instructive de mon ministre à Paris, le baron de Chambrier, j'ai cru nécessaire de vous communiquer l'extrait ci-clos, dont le contenu vous pourra servir de boussole afin de vous orienter dans toutes les autres affaires. Vous saurez par là que la base de la politique du gouvernement présent de la France doit consister dorénavant dans l'union et la confiance qu'il veut établir avec l'Angleterre, pour contenir le reste de toute l'Europe; d'où je tire la conséquence que, par la grande faiblesse que je connais, moi, au ministère de France, celui-çe poussera trop loin sa complaisance envers l'Angleterre, et que les Français auront bien plus de ménagement pour les Anglais que ceux-ci n'auront pour la France. De là l'on peut conclure avec raison que, pourvu que les Anglais sachent profiter de ces moments favorables pour eux, comme je ne doute presque pas qu'ils ne le fassent, ils auront, avant qu'une année soit passée, une supériorité entière dans toutes les affaires de l'Europe et en seront les seuls législateurs, ainsi qu'on aura à les ménager extrêmement, bongré malgré qu'on en ait.
En conséquence de tout ceci, je crois que vous ne sauriez mieux faire pour mon service que de régler de bonne heure votre conduite envers les ministres anglais de la sorte que vous les ménagiez soigneusement, autant que les circonstances le voudront permettre, quoique toujours avec dignité, et que vous puissiez gagner, s'il est possible, leur amitié et leur confiance. C'est aussi pourquoi je vous instruis par la présente que dans l'affaire par rapport au dédommagement de mes sujets marchands qui ont souffert injustement des armateurs anglais, vous ne devez point vous servir des menaces que je vous avais ordonné de faire, comme si je voulais défalquer des sommes hypothéquées sur la Silésie tout ce que l'on ferait perdre auxdits marchands, mais que vous devez agir modérément et avec prudence dans cette affaire, tout comme dans les autres dont vous êtes chargé.
Au surplus, la communication que je vous ai fait faire des propos que le sieur Legge a tenus avant son départ envers un de mes ministres, concernant les affaires de la Suède, vous aura appris que le danger n'est pas si grand de ce côté-là comme les bruits en ont couru en Angleterre auprès des gens qui ne sont pas assez instruits des affaires et qui ne jugent que selon les apparences extérieures.
Federic.
Précis d'une lettre du baron Le Chambrier, de Paris du 20 décembre 1748.
L'entrée du comte de Saint-Séverin dans le conseil d'État ou de conférence de Sa Majesté Très Chrétienne ne peut pas être envisagée