<583> le secret de déchiffrer toutes sortes de chiffres, quelque extraordinaire que cela soit. J'en ai un avec Podewils, de qui je suis aussi sûr que de moi-même; les lettres que je lui écris sont chiffrées devant moi, et il chiffre les siennes lui-même : malgré cela, je suis quasi certain qu'ils ont intercepté quelques-unes de mes dépêches. Les vôtres passent par les bureaux de l'Empire. Ne doutez pas qu'elles ne soient ouvertes et envoyées à Vienne.1 Il est important que vous sachiez que Walrave est un traître. Je suis parvenu à découvrir et à m'assurer de ses menées. Il a été gagné par Keyserlingk et Bernes. Ce misérable a communiqué au dernier le plan de Mastricht avec les projets d'attaque que je lui avais demandés et que j'ai envoyés au comte de Saxe,2 afin de le prévenir sur ce que vous deviez faire à ce sièée et fournir aux alliés les moyens de faire avorter vos projets. Il en a donné pour ajouter des ouvrages au fort Saint-Pierre. Il a fait plus, c'est de donner un plan avec le projet pour reprendre Berg-op-Zoom, qu'il connaît parfaitement. C'est ce plan que j'attends de Magdebourg, et que je vous ferai remettre dès que je l'aurai. Ces deux ministres se sont servis de Bülow, et c'est lui qui, au moyen de ses anciennes liaisons avec ce malheureux, a conduit la trame. Je lui en sais peu de mauvais gré, parcequ'en cela il a suivi les ordres de sa cour, qui a imaginé ce moyen pour me brouiller avec le Roi votre maître. Le projet de ce coquin était de se faire envoyer à votre armée3 et de tâcher non seulement à nous nuire par de fausses idées qu'il comptait donner à vos généraux, mais encore d'instruire les Autrichiens de tout ce qui leur importerait de savoir. Qu'eût dû penser de moi le Roi votre maître : n'eût-il pas eu raison de concevoir de moi de violents soupçons? Y a-t-il rien de plus abominable que ce projet, pour l'indisposer?

»Je sais, me continua-t-il, qu'Ulfeld méprise les Saxons, mais il les ménage, pour en faire usage contre moi. Il a dit qu'il fallait s'en servir à quelque prix que ce fût, pour brouiller le roi de Prusse avec la France. Voyez, après cela, ce que je dois penser d'eux. Ils finiront par vous tromper, soyez-en sûr. L'Angleterre et la cour de Vienne gagnent insensiblement du terrain à Dresde. Je suis persuadé que le roi de Pologne ne fait rien de tout cela. Ces trois ministres, Bülow, Bernes et de Keyserlingk, devaient aller avec Walrave à Magdebourg. Au moins la partie était faite avec les deux derniers, sous le prétexte d'acheter des tableaux que ce misérable a emportés de Prague, qui peuvent valoir environ 2,000 écus : et la cour de Pétersbourg lui en donnait 40,000! Je me divertis à faire dire à Keyserlingk4 que, si ces tableaux faisaient plaisir à sa souveraine, ils étaient à son service au prix qu'il en avait offert. Je tiens bien mon coquin. Il ne m'échappera pas.

Faites attention qu'il n'y a que vous qui savez le véritable motif de son arrêt, que M. de Podewils même l'ignore, et je vous défends de



1 Vergl. Bd. V, 453.

2 Vergl. Bd. V, 553.

3 Vergl. S. 10.

4 Vergl. S. 35.