3003. AU CONSEILLER BARON LE CHAMBRIER A PARIS.

Potsdam, 6 avril 1748.

Les dépêches que vous m'avez faites en date du 22 et 25 du mois passé de mars, m'ont été rendues à la fois. Vous continuerez à faire votre possible pour empêcher que la France ne se répande envers moi en plaintes, par l'impatience qu'elle a de sortir des embarras de sa présente guerre. La réplique que vous avez déjà faite à ceux qui vous ont parlé à ce sujet, en leur alléguant les raisons politiques qui ne me permettaient pas au moment présent de me compromettre de nouveau avec les ennemis de la France, n'est point une simple défaite, mais c'est une réponse solide et très fondée, dont je suis fort content. Il est étonnant, après cela, que Messieurs les Français persistent à vouloir que j'entre derechef en lice pour eux, sans savoir de mon côté par quel motif j'en agirais ainsi; car que je m'embarque simplement pour leur cause, comme je le fis dans l'année 1744, ce serait trop exiger de moi, par les circonstances présentes qui ne le permettent pas.

A vous dire le vrai, les Français me paraissent être fort superficiels à cette heure. La France, pour un de ses vaisseaux de pris en dernier lieu par les Anglais, n'est point perdue ni ruinée. Mais ils aiment à se forger conséquence des conséquences et empirent par là leurs affaires. En attendant, à en juger sainement, la France fait-elle jusqu'ici sa guerre sans succès? Elle la fait dans l'étranger, elle a conquis de grandes et belles provinces. Toute autre puissance ne serait-elle pas bien glorieuse<75> d'avoir pu faire ce que cette dernière a fait jusqu'à présent? Toutefois, pour quelques vaisseaux qu'elle perd sur mer, la voilà qui jette de hauts cris et se croit réduite à telle crise où elle se trouva dans l'année 1709. Que, si en effet la France pense que tout est perdu pour elle, dès qu'elle souffre du côté de son négoce et en le voyant un peu resserré, qu'elle considère en même temps si je pouvais lui être d'un si grand secours pour le rétablir, n'ayant point de forces navales et manquant d'ailleurs de ces ressources que la France trouve en elle-même.

Au reste, je ne suis point informé encore des propositions que pourra me faire le ministre d'Angleterre, Legge, à son arrivée auprès' de moi; peut-être qu'il ne m'en fera point du tout. Quant au ministre que j'envoie de ma part en Angleterre, ce n'est simplement que par politesse. Vous pouvez compter et être persuadé que, si l'Angleterre me fait faire des propositions, elles ne manqueront point d'être bonnement communiquées à la France.

Federic.

Nach dem Concept.