3127. AU MINISTRE D'ÉTAT COMTE DE PODEWILS, ENVOYÉ EXTRAORDINAIRE, A VIENNE.
Potsdam, 24 juin 1748.
Je suis très satisfait du détail de votre dépêche du 15 de ce mois, qui est de l'espèce de celles qui ont mon approbation. Je ne puis m'empêcher de croire que la reine de Hongrie ne dût réussir en ses desseins pour ses finances et qu'elle ne manquera de les soutenir, mais il m'est probable, aussi, que sa recette, une fois réglée, sera mise bientôt<152> derechef en désordre par sa dépense. La cour de Vienne pourrait bien se tromper et compter sans hôte, si elle pensait de vouloir faire élire un roi des Romains pendant que les troupes russiennes seraient en Moravie, pour profiter ainsi de leur voisinage, puisqu'une semblable élection ne saurait se faire sans le consentement de tous les Électeurs et qu'il y a des Électeurs dans l'Empire qui ne prennent point à tâche de craindre ni d'appréhender les troupes russiennes, de sorte que je ne regarde cette prétendue envie de la cour de Vienne pour procurer une élection de roi des Romains, que comme des idées qu'on attribue sans fondement à la cour de Vienne.
Au reste, je veux bien vous avertir pour votre direction que la cour de Vienne témoigne beaucoup de jalousie de la bonne intelligence qu'il y a entre moi et l'Angleterre, et qu'appréhendant que je ne manquerais pas de me lier avec l'Angleterre, elle a eu l'adresse d'en traverser le dessein, en donnant à entendre à quelques-uns des ministres d'Angleterre qu'il serait convenable qu'elle participât à l'alliance qui pourrait se conclure entre moi et l'Angleterre, et qu'elle y fût admise.
Federic.
P. S.
Quoique j'admette pour valable tout ce que vous me dites par votre dépêche que vous m'avez faite immédiatement du 15 de ce mois, vous ne sauriez pourtant pas vous disculper de n'avoir fait plusieurs faux-pas : témoins, entre autres, les derniers propos que vous avez tenus au comte d'Ulfeld à l'occasion de la garantie et de mon inclusion dans la paix générale,152-1 qui ont absolument été hors d'œuvre et déplacés. N'allez pas croire du moins que vous adoucissiez ni tranquillisiez jamais la reine de Hongrie par des caresses et en faisant le chien couchant. C'est plutôt là le grand moyen pour l'irriter encore davantage, par les idées qu'elle s'en formera au désavantage de notre situation, de façon qu'il résulte de là que ce que la cour de Vienne fera pour nous, elle ne le fera que forcée et par nécessité, de sorte qu'il n'est point besoin que nous lui fassions la cour à cet égard-là.
Nach dem Concept.
152-1 Vergl. S. 145.