3194. AU MINISTRE D'ÉTAT COMTE DE FINCKENSTEIN A SAINT-PÉTERSBOURG.
Potsdam, 5 août 1748.
J'ai reçu vos dépêches du 20 de juillet dernier. Je m'aperçois de plus en plus, par le dénouement des affaires, que vous avez pensé solidement sur la marche des Russes auxiliaires, en supposant qu'elle ne se continuait que pour faire impression sur les Français, afin de les rendre faciles et traitables sur différents articles. Ledit corps vient présentement de recevoir ordre de faire halte, car l'on me mande comme chose sûre que dans une conférence qui s'était tenue à Aix-la-Chapelle entre les ministres de France, d'Angleterre et de Hollande, l'on était convenu que ces troupes arrêteraient leur marche dans l'endroit où elles se trouveraient, à condition qu'en même temps la France retirât un nombre égal de ses troupes des Pays-Bas, et qu'en sortant de cette conférence les ministres des Puissances maritimes avaient fait partir un courrier avec ordre aux commissaires qui conduisent les Russes, de sister leur marche.
Pour ce qui est du capitaine Stackelberg,195-1 je compatis véritablement à son sort, d'autant plus que je vois d'avance que, quand bien je pourrais vous charger de faire de nouvelles instances là où vous êtes pour le faire sortir d'embarras, cela ne serait d'aucun effet. C'est pourquoi, s'il trouvait moyen de le finir en prenant le parti extrême d'entrer au service de la Russie, je veux bien, par les sentiments favorables que j'ai pour lui, lui faire expédier son congé par écrit, pour le couvrir ainsi du reproche que sans cela on serait fondé à lui faire, d'avoir pris parti ailleurs sans préalablement s'être licencié de mon service. Vous recevez pour cet effet le congé ci-joint avec ordre qu'avant que vous le remettiez audit capitaine, vous deviez lui donner les assurances les plus affectueuses de ma part, de la manière gracieuse et compatissante dont j'entrais dans les tristes circonstances de son sort; que, par le caractère d'honnête homme et de fidélité que je lui connaissais envers moi, j'aurais été charmé de le conserver dans mon service, mais que, si cependant il ne trouvait absolument point d'autre issue pour sortir du labyrinthe dans lequel il se trouvait engagé qu'en temporisant et en venant même au parti extrême d'accepter le service de la Russie, je voulais bien condescendre en ce cas à lui accorder son congé, tant par l'estime que j'avais pour lui, aussi bien que pour le tirer d'embarras à cause de son honnêteté et le préserver en même temps de tout reproche. Que je m'attendais néanmoins de lui que, si les affaires en Russie venaient un jour à prendre une face différente de la présente, il retournerait alors dans mon service, où je le placerais toujours selon son rang et son ancienneté, et que je ne doutais nullement qu'il ne tâcherait de profiter de la première occasion favorable pour retourner chez nous.
Federic.
Nach dem Concept.
<196>195-1 Vergl. S. 23. 49.