3454. AU CONSEILLER BARON LE CHAMBRIER A PARIS.
Potsdam, 4 février 1749.
Je viens de recevoir à la fois vos deux dépêches du 20 et du 24 de janvier dernier. Je ne m'étonne point que les Autrichiens, les Saxons et les Anglais me peignent à la France de la façon que le marquis de Puyzieulx vous l'a dit, pour me rendre suspect à la France; c'est, à en parler proprement, leur droit de jeu, et leur intérêt demande qu'ils agissent de la sorte. Je dois vous faire ressouvenir à cette occasion qu'il y a deux ans passés où je vous apprenais déjà, par une dépêche faite immédiatement de moi à vous,360-1 comment j'étais averti de très bonne main que, dans le système que la cour de Vienne s'était fait alors pour abattre la France et pour faire ce qu'elle voudrait, l'article principal était de tâcher par tous les moyens possibles de séparer la France de moi et de me rendre suspect à elle, et de se servir principalement de la cour de Dresde afin de parvenir à son but.
Vous direz ainsi au marquis de Puyzieulx de ma part que, si mes ennemis me peignaient avec des couleurs aussi noires qu'ils le faisaient à la France, ils n'agissaient qu'en conséquence de ce que leur intérêt demandait, puisqu'ils concevaient parfaitement bien que j'étais le seul<361> allié de la France au Nord sur lequel celle-ci pourrait tabler, excepté la Suède, que les ennemis de la France ne redoutaient cependant trop; mais que lui, marquis de Puyzieulx, pouvait être, aussi, assuré que les Autrichiens, de même que les Hollandais et les Anglais, n'avaient point manqué de me faire faire de pareilles insinuations contre la France, mais que, malgré toutes les peines qu'ils s'étaient données pour m'en persuader, je n'en avais pas été ébranlé un seul moment, et que c'était aussi la raison pourquoi le ministre hollandais, comte Gronsfeld, et après lui le ministre d'Angleterre Legge, étaient parti d'ici de très mauvaise humeur; et que la France pouvait d'ailleurs être fermement assurée que de pareilles insinuations ne feront jamais la moindre impression sur moi.
De plus, il faut que je vous dise que la fortune est toujours suivie des envieux et des jaloux, et quand j'ai été heureux dans les guerres que j'ai eues, il faut que je l'attribue principalement aux conjonctures qui m'ont été alors favorables. Au surplus, vous devez être très assuré que de mon, côté je ne pense absolument à aucun agrandissement de quelle espèce il pourrait être, que la guerre ne me convient point du tout, et que, si la tranquillité du Nord devait être troublée, ce ne sera jamais de ma faute, et que je n'y entrerai à moins que je n'y sois absolument forcé. En conséquence de quoi il sera permis à vous de donner toujours de pareilles assurances au marquis de Puyzieulx, ce que vous pourrez faire hardiment et sans craindre que vous en soyez démenti par moi.
Pour ce qui est des ouvertures confidentes que le marquis de Puyzieulx vous a faites relativement aux affaires de la Suède, vous l'en remercierez de ma part et lui direz que les nouvelles que j'ai eues en dernier lieu de Londres, sont assez conformes à celles qu'il en a reçues; mais que mes lettres de Vienne venaient de m'apprendre que l'Empereur négociait actuellement autant de sommes d'argent qu'il pourrait trouver, et qu'il prenait sur des lettres de change des sommes grandes et petites; qu'à la vérité je m'imaginais que c'était peut-être pour aider à l'Impératrice-Reine à contenter les Génois en conséquence du dernier traité de paix, par rapport aux sommes confisquées dans la banque de Vienne, mais qu'il y avait des gens à Vienne qui prétendaient que les sommes que l'Empereur négociait actuellement, surpassaient de beaucoup celles qu'on devrait acquitter aux Génois, et qu'ils poussaient même leurs conjectures au point qu'ils croyaient que la cour de Vienne payait des subsides à la Russie; et quoique cela ne me paraissait point vraisemblable, que je pouvais cependant dire en confidence à lui, marquis de Puyzieulx, que la reine de Hongrie avait tant fait, par ses nouveaux arrangements dans ses finances, qu'elle tirait actuellement un revenu de vingt millions d'écus par an de ses provinces héréditaires. Avec tout cela, l'on veut assurer qu'on congédiera un certain nombre de troupes autrichiennes et qu'on mettra ces troupes sur le pied qu'on a annoncé<362> par des listes imprimées, de façon que, quand on veut combiner toutes ces différentes nouvelles ensemble, on a bien de la peine de s'orienter.
Quant aux affaires de Russie, je crois qu'il faudra diriger son attention au sort que le grand-duc de Russie aura pendant le séjour que l'Impératrice fera à Moscou; car s'il arrivait que le chancelier Bestushew parvînt au but qu'on lui impute, savoir de culbuter le Grand-Duc et de substituer quelque autre à sa place, je me persuade qu'il ne s'y arrêtera pas, mais qu'il poussera plus loin.
Vous ne laisserez pas de m'avertir exactement de tout ce que le marquis de Puyzieulx vous dira sur tous ces différents sujets.
Federic.
Faites mes compliments à Valory et dites-lui qu'il reste bien longtemps absent; que Berlin redemande à cor et à cri son gros marquis Sacripant et qu'il n'oubliera pas de se mettre à la dernière mode.
NB. Que dit-on de la harangue que milord Sandwich a faite aux États-Généraux?362-1 Il me semble qu'il y parle de la guerre en termes très peu mesurés.
Nach dem Concept. Der Zusatz nach Abschrift der Cabinetskanzlei.
360-1 Siehe Bd. V, 452, Nr. 2728.
362-1 Das von Sandwich den Generalstaaten bei seinem Abgänge aus dem Haag überreichte Memorial vom 14. Januar 1749 mit einem Rückblicke auf den Zeitraum seiner Mission enthält die Stelle: „Les ennemis de la liberté se sont vainement flattés de trouver l'occasion d'exécuter leur ancien projet de donner la loi à l'Europe; ils comptaient que leurs discours séducteurs, qui peut-être n'ont pas toujours trouvé des auditeurs peu favorables, détourneraient l'attention publique des malheurs qui menaçaient la nation et ses alliés naturels; cette méthode ne leur ayant pas entièrement réussi, ils travaillèrent à diviser des alliés dont la surêté consiste à être unis, et, les artifices leur ayant encore manqué, ils se sont enfin adressés aux Puissances maritimes, qui ont répondu de la seule manière qui convenait, c'est-à-dire de concert entr'elles, méthode qui a eu tout le succès qu'on peuvait en espérer, puisqu'elle a procuré la paix dans le temps que l'ennemi était déjà aux portes de la République.“