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3975. AU MINISTRE D'ÉTAT COMTE DE PODEWILS, ENVOYÉ EXTRAORDINAIRE, A VIENNE.

Potsdam, 15 novembre 1749.

La dépêche que vous m'avez faite du 5 de ce mois, m'a été rendue, sur laquelle je veux bien vous communiquer ce qui m'a été mandé depuis peu par des lettres de France, savoir qu'on prétendait là que la cour de Vienne avait fait assez connaître depuis quelque temps quelles étaient ses intentions sur les cessions que l'Impératrice-Reine a faites au roi de Sardaigne par le traité de Worms, qu'elle voudrait regagner le Pavisan, le comté d'Anghierra et le Haut-Novarois, que le roi de Sardaigne a gagnés par le traité d'Aix-la-Chapelle, lequel, sans confirmer nommément celui de Worms, a cependant confirmé au roi de Sardaigne les provinces ci-nommées. Que l'Impératrice-Reine avait commencé, avant la signature des préliminaires pour la paix, de déclarer nul ledit traité, comptant que par là les cessions qu'elle y avait promis de faire au roi de Sardaigne, n'auraient plus lieu, mais, comme elle a été obligée d'en passer par là, elle voudrait en revenir, si elle pouvait, en attaquant de nouveau le traité de Worms, disant que, n'ayant pas été nommé par celui d'Aix, c'était injustement que les cessions qui y étaient énoncées au profit du roi de Sardaigne, avaient eu lieu; que cela portait un grand préjudice au restant du Milanais, en le resserrant si fort de tous les côtés que ses sujets en sont très incommodés pour la vente de leurs denrées et pour ce qu'ils tirent du dehors. L'on ajoute que, quoiqu'on ne croyait pas que les difficultés que la cour de Vienne faisait à celle de Turin, puissent être suivies d'aucune satisfaction pour la première, parceque le roi de Sardaigne ne voudrait faire aucun sacrifice, et que, si la cour de Vienne voulait le pousser, les Anglais empêcheraient que les choses vinssent à une rupture — mais on regardait l'aigreur qu'il y avait comme un levain qui fermenterait à mesure que les conjonctures changeraient et que l'une ou l'autre de ces deux puissances croirait pouvoir prendre un parti favorable à ses vues.

Quoi qu'il en puisse être, je crois avoir lieu de présumer qu'il faut que la cour de Vienne soit actuellement occupée de brasser quelque dessein nouveau, et je suis confirmé dans cette créance par la nouvelle que j'ai eue, qu'elle a mandé le prince Louis de Wolfenbüttel de venir en toute diligence à Vienne, parcequ'il y avait des affaires de conséquence sur le tapis qui demandaient absolument sa présence. Bien que je sois persuadé que ladite cour ne porte pas encore ses vues contre moi, mais selon toutes les apparences plutôt contre l'Italie, vous devez cependant vous donner tous les soins et peines possibles pour savoir au juste quelles ont été les raisons pourquoi on a pressé le susdit prince Louis de revenir soudainement à Vienne, afin de m'en instruire exactement. Au surplus, quoique je conçoive bien les difficultés qu'il y a pour être instruit des intrigues de la cour où vous êtes, je suis cependant persuade