3976. AU CONSEILLER BARON LE CHAMBRIER A PARIS.

Potsdam, 15 novembre 1749.

Je vous sais un gré particulier des ouvertures que vous m'avez données par la dépêche que vous m'avez faite du 2 de ce mois à l'égard des intentions de la cour de Vienne relativement au roi de Sardaigne, parcequ'elles m'ont donné des éclaircissements sur plusieurs autres avis qui me sont entrés depuis peu par rapport aux ombrages que ladite cour commençait de prendre sur les affaires d'Italie, que je ne savais point assez démêler. Ce n'était pas tant sur les avis qui me sont entrés que la cour de Vienne avait fait venir d'Italie le général Pallavicini pour se concerter avec lui sur des affaires d'importance, que parceque l'on continuait à me mander de là que, dans le temps que les affaires du Nord semblaient rentrer dans la tranquillité, l'Italie paraissait menacée d'un nouvel orage, et que les différents arrangements que la cour de Vienne y prenait à l'égard de l'Italie, en augmentant la cavalerie et en complétant avec toute la diligence possible les autres troupes qu'elle y entretenait, faisaient présumer qu'on y appréhendait la guerre; circonstance que je ne pouvais bien développer, parceque d'un côté je ne saurais pas présumer que l'Impératrice-Reine voudrait dans le moment présent penser a quelque guerre offensive en Italie, et que d'un autre côté il n'y a non plus aucune apparence que quelque puissance la voudrait troubler dans ces possessions-là. Mais comme presqu'en même temps un général major autrichien, comte Lucchesi, qui doit être fort routine dans les affaires d'Italie, y ayant servi pour la plupart du temps, est venu passer Par ici pour aller en droiture à Londres, lequel, quoiqu'il ait voulu faire accroire qu'il ne faisait son voyage en Angleterre que par un motif de cunosité et pour y voir la cour et le pays, s'est fait néanmoins soupçonner qu'il pourrait bien être chargé de quelque commission secrète de la part de sa cour à celle de Londres, et que d'ailleurs nous avons eu ici le général major de Schulenburg, natif de mon pays, mais en service du roi de Sardaigne, qui n'a point hésité de me dire qu'il avait es avis que sa cour était en negociation avec la France sur un traité alliance à faire — tous ces différents avis-là m'ont paru si compliqués<168> que je n'aurais pu m'orienter là-dessus, si les circonstances que vous m'avez marquées par votre relation ne m'avaient pas éclairci à ce sujet, ainsi que je me persuade à présent que les soupçons qu'on a eus du général Lucchesi, ne sont pas tout-à-fait destitués de vraisemblance, et que la cour de Vienne pourra bien avoir pris jalousie sur l'alliance qu'on dit que le roi de Sardaigne médite de faire avec la France. Au surplus, je souhaiterais bien que cette alliance de la France avec le roi de Sardaigne pourrait réussir au gré de la France, puisque l'on escamoterait par là à l'Impératrice-Reine le seul allié qu'elle a eu en Italie, par laquelle elle se verrait dans de grandes appréhensions pour ses possessions en Italie et hors d'état de commencer de nouveaux troubles.

Pour ce qui est des instances que le roi de Pologne a fait faire à la cour de France, afin d'employer ses bons offices auprès de moi pour que j'ordonnasse à mes sujets créanciers de la Steuer de Saxe de ne pas presser le payement, je ne saurais qu'à me remettre sur la réponse que j'ai faite à la lettre que le roi de Pologne m'a écrite à ce sujet et dont j'ai fait communiquer la copie au marquis de Valory, qui sans doute l'aura fait passer à sa cour, et je me persuade que la cour de France aura reconnu la solidité des arguments que j'y ai allégués et la façon amiable dont je me suis expliqué envers le roi de Pologne.

Federic.

Nach dem Concept.