4179.. AU MARQUIS DE VALORY, ENVOYÉ DE FRANCE, A BERLIN.
Potsdam, 10 mars 1750.
Monsieur le Marquis de Valory. Je vous ai déjà marqué les justes soupçons que j'ai conçus que vos lettres que vous faites passer par Hambourg et par Hanovre en France, sont ouvertes à Hanovre, et que le secret qu'elles renferment en est trahi.289-2 Pour que cependant l'on puisse être entièrement assuré de la réalité de ces soupçons et savoir avec fondement si effectivement on a trouvé moyen à Hanovre de développer le secret de votre chiffre, il m'est venu la pensée qu'il serait<290> fort à propos à cet égard que vous écrivissiez, à peu près dans le sens du précis ci-joint, une feinte dépêche à M. de Puyzieulx, chiffrée de votre chiffre ordinaire, laquelle vous voudriez bien ensuite faire partir par la poste ordinaire par Hambourg et Hanovre. Je ne tarderai pas, après cela, d'être informé si on s'est mis à Hanovre au fait du contenu de votre feinte dépêche, et nous saurons ainsi, sans qu'on pourra plus en douter, si l'on y a effectivement le secret de votre chiffre.
Il sera néanmoins bon que vous employiez en même temps la précaution d'avertir M. de Puyzieulx par une route différente, et qui d'ailleurs soit sûre, des raisons qui vous ont engagé de lui envoyer par Hanovre la susdite feinte dépêche, laquelle, quoique le contenu en fût véritable et fondé quant aux insinuations malicieuses que la Russie avait mises en œuvre en Angleterre, vous n'aviez cependant fait partir par Hanovre qu'en vue d'approfondir si on y avait effectivement votre chiffre.
Federic.
Précis.
Que selon les lettres de Pétersbourg le comte Bestushew, chancelier de Russie, ne discontinuait point à faire jouer tous les ressorts imaginables pour porter les choses à l'extrémité contre la Suède; qu'il y avait à ce sujet des conférences sans fin entre lui et les ministres Bernes et Guy Dickens, dont les courriers ne faisaient qu'aller et venir; qu'après bien des pourparlers entre le Chancelier et le ministre autrichien on avait pris à tâche de travailler surtout à entraîner le roi d'Angleterre dans les vues de la Russie et que pour y parvenir on n'épargnait ni ruses ni mensonges; que parmi d'autres insinuations malicieusement controuvées on avait tâché de faire accroire à la cour de Londres qu'il y avait un concert formé entre la Prusse et la Suède en conséquence duquel le roi de Prusse favoriserait le changement du gouvernement de Suède, et que dès lors les Suédois attaqueraient la Russie pour en reconquérir les provinces cédées par les traités de paix antérieurs; qu'en même temps les possessions en Allemagne du roi d'Angleterre seraient également attaquées, pour en arracher les duchés de Brème et de Verde. Que, pour habiller d'autant mieux ces mensonges, on avait eu l'effronterie de forger un traité secret qu'on disait être fait entre la Prusse et la Suède, et quoique à la vérité le ridicule d'un tel traité supposé sautât d'abord aux yeux de chacun qui voudrait y regarder, qu'on avait cependant lieu de soupçonner que les Anglais avaient donné dans ce panneau et qu'ils avaient pris des ombrages là-dessus.
Nach dem Concept.
289-2 Vergl. S. 281.