4278. AU CONSEILLER BARON LE CHAMBRIER A PARIS.
Potsdam, 28 avril 1750.
La dernière ordinaire m'a bien apporté votre dépêche du 17 de ce mois. La manière dont vous vous êtes acquitté de ce que je vous avais chargé d'insinuer à M. de Puyzieulx pour que le marquis de Mirepoix fît le voyage à Hanovre,357-2 est tout-à-fait à mon gré, et la tournure dont vous vous êtes servi à ce sujet, a toute mon approbation, en sorte que je suis très content de la manière dont vous avez conduit cette affaire. Quoiqu'il soit décidé que le marquis de Mirepoix n'ira point à Hanovre, je crois cependant avoir lieu de présumer que ce sera le marquis de Valory qu'on nommera pour y aller.
Les dernières nouvelles que j'ai eues de Pétersbourg, ont été assez favorables pour pouvoir espérer que la tranquillité du Nord se conservera encore. L'on me marque que le ministre de Danemark, comte Lynar, venait d'exécuter la commission dont sa cour l'avait chargé en faveur de la Suède,357-3 que le chancelier Bestushew avait paru en être fort piqué, que sa première réponse n'avait consisté qu'en des généralités, mais que, le comte Lynar l'ayant engagé enfin à s'expliquer plus précisément, il avait dit que l'impératrice de Russie aurait beaucoup mieux aimé que Sa Majesté Danoise eût suivi les conseils que cette Princesse lui avait donnés de temps en temps et qu'elle ne se fût pas liée si étroitement avec<358> la France et la' Suède, puisque c'était cette union qui encouragerait la dernière à rejeter les propositions qu'on lui faisait du côté de la Russie; sur quoi le comte Lynar avait répliqué que le Roi son maître, se trouvant rassuré sur la crainte d'un prétendu changement dans la forme présente du gouvernement suédois, n'avait vu qu'avec peine les discussions qui subsistaient entre les deux empires, et que, pour en éviter les suites fâcheuses, Sa Majesté n'avait pu se dispenser de s'expliquer amiablement avec la cour de Russie; que Sa Majesté Danoise, uniquement attentive au bonheur de ses peuples, n'aspirait qu'à la tranquillité, qu'elle prenait particulièrement à cœur celle du Nord et que, pour ce qui était des conseils qu'on lui avait donnés, ils ne pouvaient que s'accorder avec les sentiments du Roi son maître, d'autant plus que lui, comte Lynar, était persuadé que le Chancelier n'avait d'autres vues que le maintien du repos.
Comme c'est le comte Lynar lui-même qui a fait cette confidence à mon ministre là, il a continué de lui dire dans la même confidence qu'il savait de science certaine et par le canal des confidents du Chancelier que le dessein de la Russie n'était point de rompre avec la Suède, et que Bestushew même n'osait pas porter les choses à l'extrémité, de peur de ruiner sa fortune; qu'on pourrait compter que la Russie ne répliquerait pas à la dernière réponse de la Suède, mais qu'elle resterait armée, parceque suivant l'opinion du Chancelier la gloire de sa souveraine y était intéressée, de sorte qu'on continuerait les ostentations guerrières jusqu'à la mort du roi de Suède, et que, si alors le Prince-Successeur prenait le parti, dès son avènement au trône, d'envoyer un ministre de marque à la cour de Russie en le chargeant de quelque assurance, on s'en contenterait. Ledit comte a poursuivi de dire que le sieur Guy Dickens avait fait au Chancelier la déclaration de l'Angleterre d'une manière si mâle et si ferme que celui en avait paru fort fâché. Vous rapporterez tout ceci à M. de Puyzieulx, en ajoutant par quelque compliment convenable de ma part que j'étais bien aise de pouvoir lui donner d'aussi bonnes nouvelles que celles-là.
Il ne me reste à présent qu'à vous dire que je trouve convenable pour le bien de mon service que vous vous répandiez en éloges sur le comte Tyrconnell, en déclarant en termes flatteurs à ses amis, et partout où vous le trouverez convenable, combien j'étais satisfait de son bon caractère et de son aimable personne, de même que des bons principes dans lesquels je l'avais trouvé. Vous ferez ceci sans affectation, mais en sorte que cela revienne aux ministres de France et que cela puisse être mandé à lui, comte Tyrconnell, soit par ceux-ci soit par quelquesuns de ses amis.
Federic.
Nach dem Concept.
<359>357-2 Vergl. S. 318.
357-3 Vergl. S. 314.