<385> me refuser de vous communiquer, d'autant plus que la confiance établie entre votre cour et moi l'exige et que je me tiens très assuré que vous m'en garderez un secret inviolable, en les faisant parvenir à votre cour par une voie fort sûre, afin que le secret en soit des plus soigneusement ménagés.
J'ai donc pu m'informer en premier lieu que le ministre autrichien à Stockholm n'est pas peu embarrassé sur l'affaire des deux Wijkman, père et fils, qui y ont été arrêtés en dernier lieu,1 leur correspondance avec le secrétaire d'ambassade russien Simolin à Stockholm ayant été découverte et les deux prisonniers ayant avoué qu'ils avaient informé ledit Simolin qu'il y avait beaucoup de fermentation parmi les Finlandais contre la couronne de Suède, tant à cause des grandes contributions que du travail qu'ils étaient obligés de faire aux fortifications des places dans la province; à quoi Wijkman avait ajouté la remarque que, si la Russie trouvait bon d'entrer sur ces entrefaites dans la Finlande suédoise, il n'y aurait personne qui voulût tirer l'épée contre elle, Wickman s'étant offert d'ailleurs de remettre à Simolin un plan bien exact de la forteresse suédoise Helsingfors, ce qui, Wijkman ayant avoué être vrai, ne laissait que d'embarrasser extrêmement le ministre autrichien de Goës, qui à cette occasion doit avoir témoigné beaucoup d'appréhension sur ce que cette recherche pourrait découvrir plusieurs de ceux qui, selon lui, étaient du parti bien intentionné; qu'en attendant le sieur de Panin ne faisait pas semblant de s'intéresser au sort du susdit Wijkman.2
Quant à mes nouvelles de Pétersbourg, la cour de Russie doit avoir fait remettre une note par écrit sur sa façon de penser d'à présent sur les affaires de Suède. Je vous la communique ci-jointe en copie, avec une traduction en français que j'en ai fait faire pour vous.
Il est fort facile de conclure du contenu de cette note que les deux cours impériales, se voyant coupé tout prétexte, après la déclaration faite par le roi de Suède à son avènement à la couronne, de pouvoir éclater ouvertement contre la Suède, changent présentement de batterie et tâchent de tenter si par des paroles emmiellées elles pourraient tirer la Suède dans leurs intérêts et la rendre ainsi dépendante de la Russie; mais comme il n'est pas à espérer que ceci soit faisable, autant que le ministère actuel de Suède reste au timon des affaires, il n'est pas douteuse que les deux cours impériales ne tâchent par leurs ministres en Suède d'exciter toutes sortes de querelles audit ministère pendant la prochaine Diète, pour le saper et le renverser, afin d'avoir en sa place un ministère en Suède qui leur soit plus dévoué.
Le ministre autrichien Pretlack à Pétersbourg s'est ouvert à un de ses amis3 que le contenu de la note en question ne pouvait que me donner beaucoup à penser et qu'il ne pourrait que m'être fort désagréable que la Suède se liât plus étroitement avec la Russie, ledit
1 Vergl, S. 367.
2 Goës an Puebla, Stockholm 11. Juni.
3 Pretlack an Puebla, Petersburg 8. Juni.