<445> Pretlack au chancelier Ulfeld qui vient de passer par mes mains et qui sert de suite à celles dont je vous ai déjà fait part; elle confirme combien la cour de Vienne se donne des mouvements, afin d'entraîner l'Angleterre, même contre son gré, à ce qu'elle fournisse des subsides à la Russie, pour se servir d'autant plus efficacement de celle-ci à l'exécution de ses vues.
D'ailleurs je suis bien aise de pouvoir vous communiquer un avis secret que j'ai eu de Vienne par un canal sûr et auquel je puis compter. Il s'y agit de la négociation présente entre la cour de Vienne et de l'Espagne au sujet de laquelle l'on m'avertit qu'en premier lieu on se proposait d'arracher l'Espagne de la France pour l'attacher à l'Autriche, ce qui à la vérité paraissait être difficile, mais que le sieur Keene, ministre anglais à Madrid, s'employait fort à y contribuer. Qu'en second lieu il serait question de l'établissement d'un commerce réciproque, mais que, pour y réussir, l'Impératrice-Reine insistait sur un emprunt de deux millions de piastres. Le donneur de cet avis suppose que ce serait le port de Trieste où les marchandises d'Espagne arriveraient, et celles des pays héréditaires y passeraient. Un homme d'esprit a remarqué là-dessus que, si le cas de ce commerce réciproque arrivait, la république de Venise se jetterait entre les mains de la France et que l'Angleterre en pourrait bien souffrir si elle voulût s'employer à cet étabhssement de commerce réciproque. Voilà tout le précis de l'avis tel que je viens de le recevoir; quoiqu'il soit un peu général, j'ai cru cependant devoir vous en faire part pour en faire votre usage, en vous priant au reste de m'en garder le secret. Sur ce, je prie Dieu etc.
Federic.
Traduction littérale de la dépêche du baron de Pretlack au comte d'Ulfeld.
Pétersbourg, 14 août 1751.
C'est en suite de mon dernier rapport du 7 de ce mois1 que je mande à Votre Excellence que je me suis rendu mardi passé2 chez le Grand-Chancelier, pour converser avec lui sur la réponse d'Angleterre aux réflexions d'ici, communiquées à l'Angleterre par l'envoyé de Hol lande. Comme la cour d'Angleterre et son ministère ne se sont pas expliqués d'une manière satisfaisante dans ladite réponse, et que cependant il n'en est pas moins convenable pour cela de tenir en quelque façon une porte ouverte à une négociation ultérieure, et afin que la cour d'Angleterre soit à même de recevoir à son tour une réponse de la Russie, j'ai cru devoir, en conformité du gracieux rescrit du 16 juillet dernier, insérer à la réponse en question, remise au Grand-Chancelier, les changements convenables à cette fin et approuvés comme tels par les ministères anglais et hanovrien, de manière qu'on pourrait
1 Vergl. S. 436.
2 10. August.