4399. AU COMTE DESALLEURS, AMBASSADEUR DE FRANCE, A CONSTANTINOPLE.
Berlin, 14 juillet 1750.
Monsieur le Comte Desalleurs. La lettre que vous m'avez écrite de Constantinople du 3 de mai de l'année courante, aussi bien que le mémoire qui y était joint, touchant la négociation d'un traité d'alliance défensive à conclure entre moi et la Porte,12-1 m'ont été fidèlement remis. Je suis sensible autant qu'on peut l'être aux soins et au zèle avec lesquels vous voulez bien continuer à prendre mes intérêts à cœur dans la négociation importante que je vous ai confiée avec la permission de Sa Majesté Très Chrétienne, et qui n'aurait jamais pu tomber entre de meilleures mains que les vôtres.
J'entre parfaitement dans toutes les difficultés et dans toutes les oppositions que vous rencontrez à tout moment dans cette affaire délicate, tant par le caractère naturellement soupçonneux des ministres de la Porte que par le changement presque continuel de ceux qui sont en place. Mais je ne doute pas un moment qu'un ministre aussi habile et aussi consommé dans les affaires les plus épineuses comme vous l'êtes, ne trouve moyen de franchir toutes ces difficultés; et, pour vous y aider, j'ai répondu par l'incluse sur tous les articles de votre mémoire d'une manière qui, à ce que je me flatte, vous mettra en état de finir heureusement un ouvrage qui fera infinement d'honneur à votre ministère et qui augmentera considérablement les grandes obligations que je vous dois déjà, et la reconnaissance et l'empressement avec lesquels je saisirai toutes les occasions imaginables pour vous témoigner réellement avec combien d'estime et de considération je suis, Monsieur le Comte Desalleurs, votre très affectionné
Federic.
Réponse au dernier mémoire de M. le comte Desalleurs, ambassadeur de Sa Majesté Très Chrétienne auprès de la Porte Ottomane, à la suite de sa lettre au Roi de Constantinople du 3 de mai 1750.
Comme le mémoire de M. le comte Desalleurs roule principalement sur trois articles différents, à savoir s'il ne sera pas nécessaire de<13> nommer les deux puissances que le traité de l'alliance défensive entre le Roi et la Porte Ottomane a pour objet, en cas que la dernière y insiste; ensuite touchant la signature du traité par M. le comte Desalleurs pendant qu'il n'y a point de ministre du Roi à Constantinople, et, enfin, ce qui regarde les présents à faire à la Porte à l'occasion de ce traité, on va y répondre dans le même ordre que M. le comte Desalleurs les a proposés.
Quant au premier article, touchant la nomination expresse des deux cours de Vienne et de Russie dans le traité d'alliance défensive, le Roi aurait souhaité à la vérité que, pour conserver d'autant plus un air d'innocence à ce même traité, la Porte voulût se contenter de la nomination générale des puissances voisines de l'une et de l'autre des deux hautes parties contractantes, qui dénote assez les deux puissances dont il est question, surtout si l'on excepte la Pologne par un article séparé, puisqu'alors il n'en reste plus d'autres puissances également voisines de l'un et de l'autre que les cours de Vienne et de Russie.
Sa Majesté espère aussi que M. le comte Desalleurs voudra bien faire un dernier effort auprès de la Porte pour la disposer à se contenter de cette nomination générale, par la raison alléguée ci-dessus, qui paraît être sans réplique. Mais au cas qu'il n'y eût pas moyen de faire entendre raison là-dessus à une cour soupçonneuse et susceptible de toute sorte d'ombrage comme la Porte, le Roi se flatte que M. le comte Desalleurs tâchera au moins d'obtenir, s'il est possible, que les cours de Vienne et de Russie ne soient nommées que dans un article séparé, ce qui serait le plus agréable à Sa Majesté. Si cependant contre toute attente les ministres de la Porte ne dussent pas vouloir admettre ce tempérament raisonnable, le Roi, pour ne pas accrocher la conclusion de tout le traité à cette difficulté, veut bien consentir, si cela ne se peut pas autrement, qu'on nomme les cours de Vienne et de Russie dans le corps du traité même.
Pour ce qui regarde la signature du traité d'alliance défensive et de l'article secret, M. le comte Desalleurs est suffisamment autorisé, par le plein-pouvoir qu'il a reçu du Roi, à signer avec les ministres de la Porte le traité et l'article séparé pendant l'absence d'un ministre de Sa Majesté auprès de la Porte, et cela va sans dire.
Enfin, quant au dernier article, touchant la nécessité indispensable de distribuer des présents à la Porte à l'occasion de la conclusion de ce traité, le Roi la reconnaît fort bien et Sa Majesté est prête de fournir, dès qu'il en sera temps et quand elle en sera avertie, les 20 ou 30,000 écus que M. le comte Desalleurs juge absolument nécessaires pour cet effet. Mais comme la difficulté consiste dans les remises à faire de cette somme, sans que cela fasse du bruit et de l'éclat, le Roi se flatte et espère de l'amitié de Sa Majesté Très Chrétienne qu'elle voudra bien faire choisir dans ses États un banquier ou négociant sûr qui pourrait, quand il en sera temps, se charger de faire cette remise<14> à M. le comte Desalleurs, que Sa Majesté pourrait faire rembourser ensuite par un canal indirect et par main tierce, sans que le nom du Roi y parût et sans qu'on puisse deviner que c'est pour le compte de Sa Majesté que cet argent a passé à Constantinople, afin de ne pas commettre mal à propos le secret dans une affaire de cette importance.
Nach dem Concept von der Hand des Cabinetsministers Grafen Podewîls. Zu Grunde liegt eine von dem Cabinetssecretär aufgezeichnete mündliche Resolution des Königs, d. d. Potsdam 13. Juli.
12-1 Vergl. Bd. II, 230—236.