4413. AU COMTE DE TYRCONNELL, MINISTRE DE FRANCE, A BERLIN.
Potsdam, 19 juillet 1750.
Milord. C'est dans la dernière confidence que je veux bien vous communiquer ce qui m'est revenu par un bon canal des instructions que le sieur Gross, ministre de Russie, doit avoir reçues tout nouvellement de sa cour. En conséquence de ces avis, ce ministre doit être averti que sa Souveraine avait actuellement signé un ordre pour que 24,000 hommes de ses troupes doivent défiler, avec le moins de bruit qu'il sera possible, vers la Livonie, afin de renforcer le corps de troupes qui y est déjà. On lui a enjoint en même temps que, quand mes ministres le sonderaient sur la réponse que cette Souveraine ferait aux déclarations que je lui avais fait faire en faveur de la Suède, il y répondrait tout sèchement que, les différentes déclarations qu'on avait faites à ce sujet n'ayant fait nulle impression sur l'esprit de l'Impératrice sa souveraine, elle n'y répondrait point. L'on a chargé d'ailleurs le sieur Gross de laisser entrevoir convenablement dans ses discours que ce ne serait pas l'impératrice de Russie qui commencerait la guerre contre la Suède, et qu'elle se flattait encore que le prince-successeur de Suède se souviendrait qu'il ne devait son élévation qu'à elle seule et qu'il reviendrait des illusions où il était actuellement; mais qu'au cas que le parti mal intentionné en Suède voudrait entreprendre le changement projeté de la forme présente du gouvernement, rien n'empêcherait alors sa Souveraine qu'en conformité du traité de Nystad elle ne tomberait avec toutes ses forces sur la Suède; qu'au surplus, tant que ce Prince continuerait à se laisser entraîner par les mauvais<21> conseils que le ministère présent de Suède, vendu à des puissances étrangères, lui inspirait, la confiance ne saurait point être rétablie entre les deux cours.
Comme ces particularités répandent bien des lumières sur les vues de la cour de Pétersbourg relativement à la Suède, je n'ai pas pu me dispenser de vous en faire communication, en vous conjurant toujours de m'en garder un secret religieux et de n'en pas parler même aux miens, pour ne pas me faire perdre le canal d'où elles me sont arrivées. Sur quoi, je prie Dieu etc.
Federic.
Je vous envoie des melons, dont je vous prie de donner à Madame.21-1 Comme je n'ai pas encore eu le plaisir de la voir, je voudrais par le moyen de ces fruits préluder sur sa connaissance.
Nach der Ausfertigung im Archiv des Auswärtigen Ministeriums zu Paris. Der Zusatz eigenhändig.
21-1 Die Gräfin Tyrconnell war soeben in Berlin eingetroffen.