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sur lesquels la lettre de Votre Majesté est dirigée, d'où je crois pouvoir inférer qu'on craint de provoquer la maison d'Autriche, qui, si les Turcs venaient à lui déclarer la guerre, accuserait infailliblement la France de les y avoir encouragés.

Je ne suis point surpris, au reste, des ménagements avec lesquels on s'est expliqué ici. Les ministres sont désunis, les finances dérangées, tous les ordres mécontents, et le peuple irrité contre le gouvernement à cause de la cherté des blés qui n'est point produite par une disette réelle, mais par les intrigues de quelques maltôtiers qu'on protège. Le clergé tâche de se prévaloir de la faiblesse du gouvernement pour établir une espèce d'inquisition, et le Parlement pour étendre son autorité. Mais ce qui contribuera toujours le plus à prolonguer cet assoupissement, c'est que la Maîtresse a intérêt de conserver la paix, qui durera autant que sa faveur et qui subsisterait probablement de même, si Madame de Choiseul prenait sa place, comme le bruit en court depuis quelque temps. Pour entretenir le Roi dans cet engourdissement, j'imagine qu'on lui représente qu'il a assez travaillé pour sa gloire, qu'il a fait la guerre et la paix avec un égal succès, que personne ne l'osera attaquer le premier et qu'il ne doit maintenant chercher qu'à jouir de la réputation qu'il s'est acquise. Aussi ne s'occupe-t-il que de courir d'une maison de campagne dans l'autre. Il chasse, bâtit et vit dans une dissipation continuelle et dans une oisiveté toujours variée par de nouveaux amusements.

Les ministres connaissent, Sire, toute la supériorité de votre esprit et de vos lumières; elle leur inspire de la méfiance et les rend plus réservés envers moi qu'ils ne le sont cosi envers aucun des autres ministres, et plus qu'ils ne devraient, ce me semble, l'être avec le ministre d'un allié aussi intime, et c'est assurément votre pénétration qu'ils craignent en moi, et non la mienne. Cela va si loin que quelqu'un qui est parfaitement au fait de tout ce qui se passe, qui connaît toute la valeur de votre personne et de votre puissance et de l'Electeur palatin1 et qui parle sur ce ton aux ministres dans l'oc-

un mémoire secret sur ces affaires duquel je vous adresse ci-close une copie, tant pour votre direction que pour la faire lire à M. de Saint-Contest quand vous lui donnerez ma lettre pour la remettre au Roi. Je joins encore la copie de cette lettre pour votre usage. Au surplus, je ne me doute nullement du secret religieux qu'on me gardera exactement sur tout ceci.

Vous trouverez d'ailleurs parmi les dépêches du département des affaires étrangères qui vous parviendront à la suite de celle-ci, une copie de la réponse que je viens de faire à une lettre que j'ai reçue de l'Électeur palatin2 touchant ses négociations avec la cour de Vienne. Vous ne laisserez pas de vous conduire conformément aux ordres que la dépêche du département contient à cet égard et de communiquer ma réponse à ladite lettre, de l'accompagner de force des compliments de ma part et de lui dire que, comme le susdit Électeur avait extrêmement pressé pour avoir ma réponse, et que le temps n'avait pas permis de communiquer préalablement làdessus avec la cour de France, j'avais tâché de mon mieux d'attraper dans ma réponse les idées dans lesquelles ladite cour saurait être à ce sujet, de sorte que je me flattais qu'elle serait contente de la réponse que j'avais donnée.

Au reste, mon intention est que vous devez employer vos amis là pour faire insinuer adroitement et sans que vous paraissiez vousmême à M. de Saint-Contest et là



1 Sic.

2 Vergl. S. 285 Anm. 1.