5290. AU CONSEILLER PRIVÉ DE GUERRE DE KLINGGRÆFFEN A VIENNE.
Berlin, 22 janvier 1752.
Me remettant sur ce que je vous fais marquer par la dépêche que vous aurez ci-close du département des affaires étrangères, il ne me reste qu'à vous dire au sujet du post-scriptum que vous avez ajouté à votre dépêche du 12 du courant, qu'il me paraît être de la contradiction dans ce que vous y dites que c'était la trop grande dépense qui semblait être cause de la suspension du grand camp à former l'été qui vient en Bohême, avec ce que vous m'avez marqué à quelque autre occasion que la Reine-Impératrice trésorisait et mettait des sommes à part; de façon que j'ai lieu à croire que, si ce que vous marquez de la suspension dudit campement est juste, c'est manque d'argent qu'on le suspend, vu que sans cela on ne regarderait pas si près à une dépense de quarante ou cinquante mille écus pour former ce campement.
Au reste, j'accuse la lettre du 4 de ce mois que vous m'avez fait passer par l'exprès qui a été dépêché à Breslau par le sieur de Dewitz, et vous sais gré de la pièce que vous y avez jointe.
Federic.
P. S. en clair.
Il y a plus d'un an déjà qu'on a envoyé ici sous différents noms des États d'Italie et par des marchands de Bergame et de Milan une somme assez considérable de fausse monnaie, consistant en des gros fabriqués à Coire, mais contrefaits et de très mauvais aloi, pour les glisser ici imperceptiblement dans le public et les faire circuler avec d'autres pièces de monnaies étrangères dans mes États, au préjudice manifeste de mes sujets et de tout le commerce qui, ainsi que cela n'a pu manquer, y ont perdu considérablement. Enhardi comme on a été par ce premier succès, on a fait au mois de février et de mars de<15> l'année passée une seconde entreprise avec une somme beaucoup plus considérable que la première et consistant en plus de 8,000 écus de la même espèce de cette fausse monnaie, qu'on a envoyée en dix caisses ici de la part du banquier Sonzogno de Bergame adressées à un marchand d'ici, nommé Meurer, avec ordre du sieur Tanzi de Milan de les faire remettre à l'abbé comte de Puebla, frère du ministre de ce nom de la part de la cour de Vienne auprès de moi.
Cet abbé s'étant d'abord rendu suspect par la protection qu'il a voulu accorder à cette monnaie et son débit clandestin, on n'a pas voulu en faire du bruit dans le commencement par considération et par des égards pour son frère, le ministre de Leurs Majestés Impériales à ma cour, de la conduite sage et prudente duquel j'ai tout lieu d'être satisfait et de me louer. Mais il s'est trouvé dans la suite de nouveaux soupçons très fondés contre ledit abbé, et qu'il a fait une seconde tentative pour retirer lesdites caisses chargées de cette fausse monnaie, qu'on a d'abord fait confisquer à la douane par mes ordres, comme de justice, pour en empêcher le débit frauduleux et pernicieux. Une protection accordée si mal à propos de sa part à un commerce aussi illicite et dangereux que celui du débit d'une fausse monnaie dans mes États a dû naturellement m'indisposer contre lui et me porter à prendre les précautions nécessaires pour que de pareils inconvénients n'arrivent plus dans mes États et dans ma capitale. Je n'ai pu m'empêcher de faire insinuer au ministre comte de Puebla, quoiqu'en des termes les plus amiables et les plus modérés et en confiance, sans aucun bruit ni éclat, combien j'avais raison de me plaindre envers lui du procédé et de la conduite inconsidérée de l'abbé son frère dans cette affaire, mais que par une considération distinguée pour lui je n'en voulais point faire d'éclat, lui laissant le soin de tâcher d'éloigner l'abbé son frère d'ici sous quelque autre prétexte honnête et d'une manière qui n'eût point le moindre air d'un mécontentement marqué dans le public contre lui.
Voilà ce que le ministre comte Puebla vient de faire; aussi son frère, après s'être congédié fort honnêtement de moi et de ma famille, étant parti d'ici la semaine passée pour Vienne, sous prétexte qu'il avait déjà eu il y a longtemps l'intention d'aller faire un tour à Milan, où il a une place de chanoine, et de là à Rome, pour s'y faire connaître et pour y pousser sa fortune dans les dignités de l'Église romaine.
J'ai cru devoir vous mettre au fait de toutes ces circonstances, mais uniquement pour votre seule information, sans que vous en fassiez connaître la moindre chose là ou vous êtes, mon intention n'étant point que vous en parliez à qui que ce soit.
Nach dem Concept.
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