5295. AU LORD MARÉCHAL D'ÉCOSSE A PARIS.

Berlin, 25 janvier 1752.

J'ai bien reçu votre dépêche du 10 de ce mois. Celle qui vous parviendra, à la suite de celle-ci, du département des affaires étrangères, vous instruira de ce qui m'a été marqué de Londres touchant le peu de réussite de la négociation à Madrid, et que, selon les apparences, elle s'en ira en fumée. Si ces avis se confirment et que ladite négociation s'échoue, il faudra bien dire alors qu'en ceci le hasard a fait en Espagne ce que la politique de la France aurait dû faire.

Quant au projet de la cour de Vienne touchant ses vues au trône de Pologne, vous direz à M. de Contest que l'état d'indolence où se trouvait actuellement la Porte Ottomane, ne permettait pas de compter tout-à-fait sur la résistance que les Turcs feraient à une pareille élection; que d'ailleurs il paraissait que la cour de Vienne s'était formé un système réglé lequel elle suivrait de pas à pas. Qu'en conséquence de ce système elle mettait d'un côté en ordre son armée, et de l'autre elle arrangeait ses finances de façon et les portait à un point qu'aucun des Empereurs précédents les avait mises; qu'elle payait ses vieilles dettes pour rétablir son crédit, et se mettait sur un pied qu'en quelques années elle pourra se passer entièrement des subsides étrangers et agir par ses<20> propres fonds. Qu'elle tâchait à s'accommoder avec tous ses voisins en Italie, afin qu'elle n'en ait rien à craindre d'eux; qu'elle endormait les autres puissances par de belles paroles et par ses démonstrations pacifiques; qu'elle avait gagné le chancelier de Russie, Bestushew, en sorte qu'il était entièrement à sa disposition; que d'ailleurs elle était fort liée sous main avec la famille de Czartoryski en Pologne et qu'elle avait obligé par la Russie les Saxons de donner les mains à un traité en même temps qu'elle avait refusé à ceux-ci de leur garantir la succession à la couronne de Pologne.20-1 Que la Reine-Impératrice destinait sa fille aînée au prince Charles de Lorraine; que son ministre en Suède avait tâché de disseminer des bruits comme si la France avait pris des concerts avec moi de mettre au trône de Pologne un Prince français,20-2 quand il viendrait à vaquer, et qu'il était aisé à s'apercevoir que la cour mentionnée n'usait de cette finesse que pour jeter le soupçon sur d'autres, pour d'autant mieux cacher ses desseins ambitieux; que toutes ces circonstances, prises ensemble, marquaient assez que sa conduite se réglait en conformité d'un système qu'elle ait adopté et qu'elle suivait exactement pas à pas, et bien qu'il n'y avait pas l'apparence que le Roi régnant de Pologne dût mourir aujourd'hui ou le lendemain, je croyais cependant que la prudence demandait que l'on opposât système contre système et que la France prît en quelque manière des concerts, [sur] ce qu'il y aurait a faire, si un cas pareil arrivait inopinément, vu qu'il serait difficile et peut-être trop tard de prendre des mesures à la hâte, quand le cas existerait.

Vous devez détailler bien tout ceci à M. de Contest, et même, si vous le jugez convenable, à Messieurs de Puyzieulx et Saint-Séverin, et me marquerez exactement ce qu'ils vous répondront là-dessus.

Quant à l'affaire de l'Association, mon ministère du département des affaires étrangères vous instruira amplement sur ma façon de penser à ce sujet, ainsi que je m'y référé et ajoute seulement que, quand vous leur expliquerez mes sentiments là-dessus, vous devez vous servir des termes les plus flatteurs et affectueux que vous saurez imaginer, en leur insinuant que je pensais de la même manière qu'eux sur cette affaire, et que, quand même il y aurait quelques points où mes idées différaient de ceux qu'ils avaient, je les sacrifiais cependant volontiers, me remettant tout-à-fait en ceci sur leur pénétration et leurs lumières.

Federic.

Nach dem Concept.



20-1 Vergl. Bd. VIII, 539 Anm. 2.

20-2 Vergl. Bd. VIII, 387. 512.